Psy-France Assistance conduit au tribunal un patient soupçonné de représenter un risque terroriste

Un article du Parisien daté du 15 octobre 2017 était intitulé « Vauréal : une psychologue à distance envoie son patient au tribunal ». Derrière ce titre se cache l’histoire d’un jeune homme de 27 ans qui a contacté par téléphone, à plusieurs reprises, une psychologue via le site internet Psy-France Assistance par l’intermédiaire de son employeur suite à une séparation et une procédure de licenciement en cours. 

Selon Le Parisien, la psychologue aurait évalué un « risque de décompensation psychotique » et estimé que « le risque d’un passage à l’acte violent est possible ». Elle transmet donc un rapport à Psy-France Assistance qui prévient son employeur. Résultat : la Police l’interpelle à son domicile et il est jugé le lendemain au tribunal. Il sera relaxé malgré le fait que le Parquet ait requis 18 mois de prison avec sursis. 

L’objet ici n’est pas de faire le procès de ces services de plateforme psychologique à distance qui constituent un marché fructueux jouant sur la responsabilité sociale des entreprises. Nous nous arrêtons sur ce fait-divers car il nous semble révélateur d’un phénomène symptomatique du modèle sécuritaire actuel : penser une personne, un usager, un patient par ce qu’elle/il porte de danger pour la société. C’est ce que Robert Castel nomme « l’individu négatif » coupable d’un défaut de socialisation dans sa quête d’autonomie.

Nous sortons en effet du seul débat sur le secret professionnel car cette praticienne ne l’était en l’occurrence pas. Les psychologues ne sont pas soumis par profession au secret et elle n’exerce dans ce cas précis pas dans un champ de mission soumettant au secret professionnel. Mais, étant donné que de plus en plus de professionnels sont soumis au secret par mission –la loi Santé de janvier 2016 nous le prouve de manière éloquente- nous pouvons nous interroger sur ce que cet agir sécuritaire veut dire. 

Nous pourrions nous dire qu’après tout ce n’est qu’un cas isolé, que les praticiens de tous bords sont bien plus vertueux. Pourtant, nous pouvons observer, analyser dans nos rencontres, les formations que nous pouvons dispenser cette manière d’analyser une situation, de penser la personne accompagnée : « si jamais il passait à l’acte ? Après tout, son comportement n’est-il pas suspect ? Je ne peux pas ne pas signaler une personne qui va peut-être passer à l’acte ! »

Ce qui est intéressant d’observer dans cette manière de penser son positionnement c’est que nous oublions trois éléments fondamentaux

- Si une personne ne peut plus déposer sa colère et son sentiment d’injustice générés dans son rapport à la société dans des espaces garantis comme confidentiels, alors elle ne peut pas travailler dessus

- On ne peut pas accompagner une personne, nouer une relation propice au changement en posant des actes motivés par l’éventualité d’un passage à l’acte

- Travailler avec le doute et la prise de risque associée sont constitutifs de la relation d’aide qui consiste en une activité d’ajustements successifs en situation d’incertitude.

Le modèle sécuritaire consistant à penser la personne par ce qu’elle porte de danger pour la collectivité peut conduire des professionnels de l’aide, du soin à des pratiques de signalement sur la base de comportements jugés comme déviants et à risque. C’est précisément ce que des projets de loi comme celui sur le signalement de personnes en voie de radicalisation, que nous avons dénoncé sur ce site, souhaitent installer.

Espérons qu’un tel exemple a priori choquant pour chacun permette de mettre en lumière le caractère insidieux de la logique croissante et dangereuse qui le sous-tend.

Antoine GUILLET