Mandataires judiciaires à la protection des majeurs et secret professionnel : une réglementation inachevée

Est régulièrement posée la question de l’assujettissement au secret professionnel des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM). Ce fut par exemple le cas lors des assises nationales de la protection juridique des majeurs en novembre dernier. Il faut dire que malgré leur professionnalisation découlant de la loi du 4 mars 2007 leur statut reste toujours incertain. 

Sans l‘aborder dans sa globalité, posons la question des MJPM et du secret professionnel. 

Pour mémoire leur mode d’exercice peut prendre trois formes distinctes : les préposés d‘établissements hospitaliers, les professionnels des associations tutélaires, et les mandataires privés. Pour les deux premières catégories leur assujettissement au secret professionnel découle de l’article L.1110.4 du code de santé publique. 

Pour les premiers, cette obligation découle  de la loi Kouchner de mars 2002 puisqu’ils exercent au sein d’un établissement de santé. 

Pour les autres se pose la question de la portée de la loi de janvier 2016 qui modifie le même article du Code de santé publique pour faire relever du secret tout service et établissement social et médico-social au sens de l’article 312.1 du code de l’action sociale et des familles (les services tutélaires y sont cités). Deux lectures sont possibles ici. Dans son imprécision et son caractère général cet article ne peut assujettir à des obligations pénales selon le principe : pas de loi précise pas de sanction (principe de légalité des peines). Une autre lecture peut conduire à penser que cette disposition traduit –maladroitement dans sa forme- une volonté récurrente et constante du législateur de généraliser le secret professionnel en y soumettant de plus en plus de professionnels  pour finalement permettre le partage. 

Pour la dernière catégorie, les MJPM exerçant à titre libéral, l’analyse est plus simple. Aucune disposition ne les oblige au secret professionnel même si, comme tout un chacun, leur responsabilité civile pourrait être engagée du fait de leurs fautes. 

Un oubli du législateur ?

Comment expliquer en effet qu’ils ne soient pas expressément soumis au secret alors qu’ils sont au cœur de l’intimité sociale, médicale, familiale des personnes qu’ils représentent (tutelle) ou qu’ils assistent (curatelle) ?

Certes, selon leur profil et origine professionnelle initiale, la question de la vie privée et de la confidentialité pourra être au cœur de leurs préoccupations. Certains sont en effet d’origine médicosociale ou bancaire : autant de filières qui baignent dans la culture du secret. Mais les autres….

On pourrait s’attendre à ce que la formation désormais obligatoire, puisse permettre de sensibiliser à ces questions mais le référentiel de formation prévu par l’arrêté du janvier 2009 ne fait aucune exigence d’aborder ces questions.

Certains ont pu voir dans leur prestation de serment un début de réponse aux questions de confidentialité. Lisons : « Je jure et promets de bien et légalement exercer le mandat qui m’est confié par le juge et d’observer, en tout, les devoirs que mes fonctions m’imposent. Je jure également de ne rien révéler ou utiliser de ce qui sera porté à ma connaissance à l’occasion de l’exercice du mandat judiciaire ». 

La formulation de ce 2ème paragraphe n’est franchement pas des plus heureuses dans son caractère absolutiste. Doit-on rappeler que le MJPM doit rendre des comptes au juge mandant mais doit aussi travailler en lien avec de nombreux acteurs dans le cadre de l’accompagnement global du majeur protégé. 

Dans tous les cas il nous semble que la question du secret se pose différemment en tutelle et en curatelle.

Dans le premier cadre, le MJPM est le représentant légal et donc le propriétaire de l’information comme le parent l’est en ce qui concerne son enfant mineur. On peut donc considérer qu’il peut recevoir et diffuser toute information sous les simples réserves de son mandat (aux biens et/ou à la personne) et de la responsabilité professionnelle et civile qui en découle. 

Dans l’autre hypothèse, le MJPM assiste et ne peut donc se dire propriétaire mais plutôt dépositaire des informations au sens de l’article 226.13 du Code pénal relatif au secret professionnel. 

Toute réponse globale confondant ces 2 régimes nous semble donc inopérante. A une exception près toutefois, dans le domaine médical, puisque la loi santé du 26 janvier 2016 (Code de Santé Publique, article L.1111-7) aligne les conditions d’accès au dossier médical que l’on soit sous le régime de la tutelle ou celui de la curatelle : « … Lorsque la personne majeure fait l'objet d'une mesure de protection juridique, la personne en charge de l'exercice de la mesure, lorsqu'elle est habilitée à représenter ou à assister l'intéressé dans les conditions prévues à l'article 459 du code civil, a accès à ces informations dans les mêmes conditions. »    

Faut-il clarifier le régime des MJPM et poser un secret par mission pour ces trois modes d’exercice ?

Même si au regard des développements précédents cela aurait un effet relatif, il n’en demeure pas moins que cela pourrait de fait largement faciliter l’exercice de leur fonction. Pas tant dans le sens de ce qu’ils peuvent communiquer mais plutôt dans celui de ce qu’ils peuvent recevoir. Car en l’absence de statut et de dispositions spécifiques les assujettissant expressément au secret professionnel, ils sont régulièrement confrontés à des résistances de professionnels qui interviennent auprès du majeur et hésitent à leur communiquer des informations pourtant essentielles dans les domaines psychologiques, médicales ou sociales. Seules les banques qui raisonnent, elles, comme nous le faisions ci-dessus (aucun secret opposable au représentant légal) n’hésitent pas à communiquer tout renseignement. 

Une seule disposition leur reconnait actuellement une légitimité au partage. Il s’agit du nouvel article R.1110.2 du code de santé publique qui prévoit le partage d’informations entre différents métiers dont les MJPM. Reste qu’un simple arrêté niché dans le seul code de santé publique ne peut faire le printemps. 

Pour conclure, on ne peut que s’étonner que la loi de 2007 et ses nombreux textes d’application aient pu faire l’impasse sur cette question. Il en va pourtant de la reconnaissance de ces professionnels, des exigences qui leur sont posées et, non accessoirement, de la confiance qui peut leur être accordée.  

 

Christophe DAADOUCH