Un cadre poursuivi pour avoir refusé de donner copie d'un dossier à un opj ? Une bonne nouvelle !

Un préavis de grève a été déposé pour le jeudi 10 décembre par les organisations syndicales SUD, CFDT et CGT du conseil départemental d'Ille et Vilaine. Selon les informations diffusées par les syndicats, ce mouvement vise à soutenir un cadre d'un service social convoqué ce jour-là au Tribunal correctionnel « pour s’être abstenu de répondre dans les meilleurs délais à une réquisition de remettre des documents intéressant l’enquête d’un OPJ dans le cadre d’une enquête de flagrance ».

 

Voilà une situation intéressante et une bonne nouvelle ! Pourquoi ? Bien entendu, je ne me réjouis pas qu'un professionnel soit poursuivi, et encore moins pour avoir "osé" défendre l'importance de garder innaccessible des informations protégées par le secret professionnel. Cependant, comme précisé dans la page consacrée aux effets de l'article 60-1 du code de procédure pénale, le législateur a créé depuis 2004 une obligation de remise de documents dans le cas d'une enquête en cours (flagrance, préliminaire) tout en laissant une "fenêtre" : la possibilité de s'opposer à la remise de document en cas de "motif légitime".

Motif légitime pour opposer le secret professionnel

Mais qu'est-ce qu'un motif légitime ? Dans notre fiche sur l'article 60-1 du code de procédure pénale, nous en proposons un exemple qui, selon nous, relève d'un motif légitime. Mais, comme précisé dans cette même fiche, c'est la jurisprudence qui va permettre de préciser ce qu'est en la matière ou motif légitime (qui donne le droit de s'opposer à la remise de documents) ou pas. Et, grace au positionnement de ce professionnel, nous allons avoir de la jurisprudence sur ce type de situations !

Un professionnel poursuivi n'est pas un professionnel condamné. Attendons donc le résultat tranquillement. Si le dossier est monté sur des arguments solides, montrant que dans la situation pour laquelle des documents étaient demandés, il y avait une contre-indication professionnelle à les remettre car les effets auraient été néfastes pour le travail engagé, alors nous pouvons espérer un jugement intéressant. Dans tous les cas, ce jugement sera utile. 

 

Bien entendu, je soutiens ce professionnel : défendre qu'un dossier ne peut être accessible aisément à un service extérieur est une position de principe pour ceux qui défendent l'utilité du secret professionnel dans la relation professionnel du travail social - public. Ce cadre a pris ses responsabilités. Il vient peut-être d'ouvrir une voie pour ceux qui, jusque-là, remettaient des documents sans oser adopter une position de refus. Si la décision du tribunal correctionnel confirmait la possibilité dans certains cas de refuser la remise de documents, le secret professionnel regagnerait un peu de terrain, après en avoir perdu tant depuis des années...

Je vous invite à soutenir ce professionnel et le mouvement engagé autour de lui par des organisations syndicales.

Laurent Puech