Les fondements du secret professionnel

Ce qu'il faut retenir pour connaître les fondements du secret professionnel

- Le secret professionnel vise essentiellement à crédibiliser une fonction : on doit pouvoir se confier librement à certains professionnels pour pouvoir accéder à des soins nécessaires, à être défendu en justice, à bénéficier d’aide et de la solidarité, etc.

- Le secret professionnel vise aussi a la protection de la vie privée .

- L’atteinte au secret par un professionnel qui y est soumis représente donc, en plus de l’infraction pénale, une atteinte à l’ensemble d’un corps professionnel puisque c’est sa crédibilité qui est ainsi remise en cause. C’est aussi une atteinte à l’intérêt privé de la personne concernée.

- Le secret professionnel est d’ordre public (ou d’intérêt général) : il permet un bon fonctionnement de la société par son caractère essentiel au bon fonctionnement d’une démocratie.

Quel impact ont les fondements du secret professionnel sur le travail social ?

Un professionnel soumis au secret se voit ainsi reconnu par la loi comme un professionnel en qui on peut faire confiance a priori, sans même le connaître. Nous pouvons ainsi être plus proches de la part privée, voire intime de la vie de la personne que nous recevons. Chacun sait que l’existence de cette confiance va favoriser l’expression d’une difficulté et permettre un soutien adapté de la part du professionnel et de son service. Elle va aussi optimiser un véritable travail en commun entre professionnels dans des situations plus ou moins dégradées. Pour un enfant, un adolescent ou un adulte, cet espace de confiance ne s’ouvre et se partage qu’à des conditions très précises. Si une personne doit se mettre en danger pour dire une difficulté ou demander une aide, il est probable qu’elle hésitera à le faire.

Le fait qu’un professionnel soit soumis au secret est une des conditions pour que se crée un espace de confiance dans lequel la personne se sent protégée. Elle va pouvoir dire sans subir un jugement ou une condamnation. Car si le secret professionnel est essentiel, la confiance se construit aussi sur de la méthode. Ainsi, notre technique d’entretien contribue à la confiance : la centration sur la personne, la qualité d’écoute et de contact, la disponibilité et l’empathie ou la reformulation sont autant d’atouts pour y parvenir.

Mais le cadre que fixe le secret professionnel sécurise l’espace de confiance et permet qu’une dynamique d’alliance avec la personne émerge. Le secret professionnel est aussi un indicateur du respect de la personne qui se confie. La façon dont nous allons le pratiquer permet d’évaluer comment nous mettons en pratique l’affirmation du respect. Fréquemment utilisée dans le secteur du travail social, elle est pour autant rarement explicitée. Pour le psychiatre Jean MAISONDIEU, « le secret du respect, c’est le respect du secret professionnel » (Revue Française de Service Social, n°241-242 - 2011).

Avis convergent avec…

Jean Pierre ROSENCZVEIG et Pierre VERDIER, 2011, page 23 - 24.

Michel BOUDJEMAI, 2008, pages 8 et 14.

Marie Odile GRILHOT BESNARD, 2013, pages 23 à 25.

Pour aller plus loin sur les fondements du secret

Si une personne atteinte du VIH en parle exclusivement à son assistante sociale, et que quelques jours plus tard, elle s’aperçoit que d’autres professionnels de son équipe en sont informés, cela a des conséquences multiples. La crédibilité de l’assistante sociale sera évidemment réduite, tout comme le sera celle des assistants de service social en général : « je ne peux plus faire confiance à cette assistante sociale, et je dois me méfier de toutes les assistantes sociales. » A partir de là, la personne se trouvera plus isolée, moins en capacité de solliciter un soutien, accentuant une situation de risque dans laquelle elle pourrait se trouver, voire les risques qu’elle peut entraîner pour d’autres. On comprend alors mieux en quoi le fondement principal du secret professionnel est d’ordre public.

Dans son « Code Pénal français annoté » de 1901, l’éminent juriste Emile GARÇON l’a parfaitement expliqué lorsqu’il commente ainsi l’article 378 relatif au secret professionnel, remplacé en mars 1994 dans le nouveau code pénal par l’article 226-13 : « Le secret professionnel a uniquement pour base un intérêt social. Sans doute sa violation peut créer un préjudice aux particuliers, mais cette raison ne suffirait pas pour en justifier l'incrimination. La loi la punit parce que l'intérêt général l'exige. Le bon fonctionnement de la société veut que le malade trouve un médecin, le plaideur, un défenseur, le catholique, un confesseur, mais ni le médecin, ni l'avocat, ni le prêtre ne pourraient accomplir leur mission si les confidences qui leur sont faîtes n'étaient assurées d'un secret inviolable. Il importe donc à l'ordre social que ces confidents nécessaires soient astreints à la discrétion et que le silence leur soit imposé, sans condition ni réserve, car personne n'oserait plus s'adresser à eux, si on pouvait craindre la divulgation du secret confié. Ainsi l'article 378 a moins pour but de protéger la confidence d'un particulier que de garantir un devoir professionnel indispensable à tous. Ce secret est donc absolu et d'ordre public. »

Le tribunal correctionnel de la Seine a, via un jugement rendu le 25 mars 1896 jugé que le secret professionnel est au bénéfice du citoyen, précisant qu’en « imposant à certaines personnes, sous une sanction pénale, l’obligation du secret, le législateur a voulu assurer la confiance que doivent inspirer certaines professions et garantir le repos des familles. »

La législation concernant le secret professionnel est donc aussi un excellent repère de l’état d’une société. Dans une société totalitaire, le secret professionnel ne peut être opposé aux ingérences de l’Etat dans les secrets des personnes. Comme le dit Jacques DERRIDA, à propos du respect du secret des personnes, « La vocation totalitaire se manifeste dès que ce respect se perd. » (Entretien dans Le Monde de l’éducation n°284, septembre 2000)

Avoir conscience des fondements du secret professionnel, c’est prendre la mesure de ce qui est en jeux à travers le secret professionnel : type et qualité de relation professionnel-public, crédibilité d’un ensemble professionnel, état d’une démocratie. 

Laurent Puech

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