Secret professionnel et protection de l’enfance - secteur des professionnels exerçant dans la mission ASE et hors mesure administrative ou judiciaire

Ce qu’il faut retenir lorsque l'on exerce dans la mission ASE mais hors-mesure administrative ou judiciaire

- Les professionnels dont il est question ici sont par exemple les professionnels du service social départemental dont la fiche de poste indique qu’ils exercent aussi sur la mission ASE, sans pour autant être référents d’une mesure administrative (AED) ou judiciaire (OPP confiant le mineur à l’ASE).

- L’article L221-6 du code de l’action sociale et des familles prévoit la transmission « sans délai au président du conseil général ou au responsable désigné par lui toute information nécessaire pour déterminer les mesures dont les mineurs et leur famille peuvent bénéficier, et notamment toute information sur les situations de mineurs susceptibles de relever du chapitre VI du présent titre. » Nous allons voir comment cet article peut être lu.

- Nombre d’interventions des professionnels en contact avec les familles se déroulent dans une zone qui entre dans la catégorie « prévention » (une rencontre, des pistes possibles pour modifier une situation, l’échange sur ce que vit la famille qui permet à cette dernière d’avoir une autre compréhension des épisodes qu’elle traverse et comment modifier avantageusement la situation, etc.).

- Dans la plupart des cas, la mise à disposition du professionnel, voire de plusieurs, permet d’évoluer sans qu’il soit besoin d’une « mesure ». Une mesure est au sens propre une décision : la décision de mise en œuvre d’un accompagnement contractualisé, ou une ordonnance judiciaire sont par exemple des mesures. Une mesure est donc formalisée.

- L’existence d’un service dédié à soutenir des personnes sur un territoire est un premier niveau d’aide accessible sans qu’il y ait pour autant besoin d’une mesure. Et tous les enfants concernés ne sont pas pour autant des mineurs en danger ou en risque de l’être au sens de l’article 375 du code civil. Il existe donc une zone de travail social possible et qui n’oblige pas à faire entrer dans une mesure toute situation où une famille est en difficulté.

Sur une situation sans information à une autorité

Dans la mesure où le professionnel exerce dans le cadre de la mission ASE, conformément à l’article L226-2-2 du code de l'action sociale et des familles, il est autorisé à partager des informations à caractères secret :

  1. avec ses seuls pairs soumis au secret professionnel et exerçant dans le cadre de la mission ou y concourant,
  2. « afin d'évaluer une situation individuelle, de déterminer et de mettre en oeuvre les actions de protection et d'aide dont les mineurs et leur famille peuvent bénéficier ». Notez qu’il est ici question d’actions de protection et d’aide, un champ plus large que les « mesures »
  3. « Le partage des informations relatives à une situation individuelle est strictement limité à ce qui est nécessaire à l'accomplissement de la mission de protection de l'enfance. »
  4. « Le père, la mère, toute autre personne exerçant l'autorité parentale, le tuteur, l'enfant en fonction de son âge et de sa maturité sont préalablement informés, selon des modalités adaptées, sauf si cette information est contraire à l'intérêt de l'enfant. »
  5. "Autorisé" à partager, donc pas obligé. C'est au professionnel de choisir la voie la plus adaptée : partage ou silence.

- Ces conditions sont cumulatives. Pour ne pas enfreindre la cadre légal autorisant un tel partage d’informations, il convient de satisfaire aux 5 exigences posées par le législateur : partage entre pairs soumis au secret ; participant ou concourant à la protection de l’enfance, dans un objectif d’évaluation et de mise en œuvre d’actions et d’aides ; informations strictement limitées à l’exercice de la mission protection ; et information préalable des parents sauf intérêt contraire de l’enfant (Notez que si l’intérêt de l’enfant devait être contraire à l’information de ses parents d’un tel partage, il est fort probable que la situation relève d’une mesure ou d’une information préoccupante).

Lorsque l’action ne suffit pas à enrayer une dégradation de la situation

- Si le professionnel seul et ses pairs pensent disposer des éléments suffisants pour qu’une mesure soit prise, conformément à l’article L221-6 du code de l’action sociale et des familles, il doit y avoir transmission au président du conseil général ou au responsable désigné par lui. Aucune information aux parents n’est rendue obligatoire dans ce type de transmission.

- Si le professionnel et ses pairs pensent qu’il convient qu’une évaluation soit réalisée afin de mieux comprendre la situation, conformément à l’articleL226-2-1 du code de l’action sociale et des familles, il doit faire une information préoccupante adressée à la cellule de recueil des informations préoccupantes. Sauf intérêt contraire de l’enfant, il doit préalablement informer les parents de cette démarche.

- Si le professionnel, seul ou en accord avec d’autres professionnels, évalue qu’il convient de saisir l’autorité judiciaire et qu’il n’est pas suivi par le président du conseil général ou le responsable désigné par lui et en charge du suivi de cette situation, il peut le faire sous réserve que les éléments de la situation relèvent du 226-14 du code pénal. Dans ce cas, comme précisé par ce même article, aucune sanction administrative ne pourra être prise contre le professionnel à l’origine du signalement. Seule l’existence d’éléments solides peut légitimer un tel choix : la simple inquiétude du professionnel ou des attentes irréalistes de l’intervention du judiciaire ne suffisent pas à le justifier.

Lorsqu’il y a péril pour l’enfant

- Si les critères définissant le péril sont réunis, conformément à l’article 223-6 du code pénal, il est obligatoire d’agir pour faire cesser le péril par une intervention directe, et dans l’impossibilité d’une intervention directe, en provoquant un secours. Cela se fait par l’information d’un service de police, de gendarmerie et si besoin d’urgence médicale.

Références juridiques

Article L221-6 du code de l’action sociale et des familles.

Article L226-2-1 du code de l’action sociale et des familles.

Article L226-2-2 du code de l'action sociale et des familles.

Article 226-14 du code pénal.

Article 223-6 du code pénal.

Article 375 du code civil.

 

Obligations particulières des professionnels exerçant dans la mission ASE hors mesure administrative ou judiciaire.