Le secret professionnel et les violences conjugales

Texte de l'intervention de Marie-Odile GRILHOT BESNARD, juriste, pour le Conseil Général des Pyrénées-Orientales, lors de la Rencontre consacrée aux violences faîtes aux femme28 novembre 2014.

La question du secret professionnel dans le cadre des violences conjugales est souvent vue du point de vue de la vulnérabilité des personnes dont nous nous occupons ou que nous accompagnons, cependant, le secret professionnel doit être travaillé sous deux angles :

1/ le devoir de taire des informations à caractère secret que le professionnel de santé ou de l’action sociale, tenu au secret dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal, a entendu lors de son activité professionnelle ;

2/ les exceptions ou dérogations à ce devoir de se taire lorsque la personne présente une vulnérabilité. Tout l’enjeu est alors d’évaluer cette vulnérabilité à la fois sous l’aune des textes de droit et des pratiques sociales, ce dernier point faisant l’objet de l’exposé de Mr Laurent Puech.

1/Le devoir de se taire

Les fondements du secret professionnel trouvent leurs sources dans l’article 9 du code civil : « Chacun a droit au respect de sa vie privée ». D’autres textes internationaux comme par exemple la DUDH de 1948, CEDHLP de 1950, ou encore plus récemment la CIDE de 1989, non seulement réaffirment fortement leur attachement au respect de la vie privée des personnes, mais ajoutent un vocable : « vie familiale ». De sorte qu’aujourd’hui il s’agit bien de respecter la vie privée et familiale des personnes. Ainsi le secret professionnel a bien pour principal objectif de protéger la vie privée des personnes que nous accompagnons. Il s’agit d’un droit pour les personnes et d’une obligation pour les professionnels tenus au secret dans les conditions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal.

Quels droits l’article 9 du code civil protège-t-il ?

Une jurisprudence constante énonce que l’article 9 du code civil protège : le domicile, la vie sentimentale, la vie conjugale, les modes de conjugalités, la vie familiale, la sante des individus. Mais aussi le droit a` la considération, le droit a` l'honneur et a` la re´putation qui permet a` chacun d'être protégé contre toutes atteintes a` sa moralité. 

L’article 9 du code civil protège le droit a` la singularité. Chaque personne est différente des autres et ce qui la singularise est prote´ge´ par le droit. 

Le droit, de longue date, reconnaît a` l’individu une certaine sphère d’activité dont il est libre de refuser l’accès a` autrui : c’est sa vie privée et familiale. 

Cette notion de secret a été précisée par la Cour de cassation  qui considère comme un fait secret tout ce que le professionnel « aura appris, compris, connu ou deviné a` l'occasion de son exercice professionnel » et non pas seulement ce qui lui a été expressément confié. 

Autrement dit le secret professionnel ne vaut pas seulement pour ce que la personne dit au professionnel « sous le sceau du secret », mais bien ce que le professionnel aura compris de la situation de cette personne par son observation, par son évaluation de la situation et de l’environnement social et médico-social de cette personne

L’atteinte au secret professionnel est une infraction pénale finalement sanctionnée assez durement par le législateur. En effet, l’article 226-13 du code pénal énonce que : « La révélation d'une information a` caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende ». 

Le secret professionnel est une responsabilité pénale qui est énoncée dans le code pénal au chapitre VI qui concerne les atteintes a` la personnalité, et plus particulièrement « de l’atteinte a` la vie privée ». Il s’agit pour le législateur de sanctionner toutes atteintes a` la vie privée des personnes. Dans le cadre de l’exercice professionnel, ceux astreints a` cette obligation doivent faire preuve d’une grande rigueur en matière de protection des données de la vie privée des personnes. 

Qui sont les professionnels tenus au secret professionnel ?

L’article 226-13 du code pénal est, de nouveau, à étudier : 

Article 226-13 du code pénal : « La révélation d'une information a caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende ».

Le professionnel est (seulement) dépositaire d’une information a` caractère secret. Autrement dit, il n’en est pas propriétaire, et c’est la raison pour laquelle il ne peut disposer a` sa volonté de cette information. 

D’une façon générale on peut énoncer que les ministres des cultes sont astreints au secret professionnel par état. 

L’article 226-13 du code pénal distingue les professionnels astreints au secret par profession de ceux qui le sont par fonction ou par mission temporaire. Parmi les professionnels tenus au secret professionnel dans les conditions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal, les professionnels de la santé comme par exemple les médecins, les sages-femmes ou encore les infirmiers sont par profession tenus au secret professionnel. Dans le champ de l'action sociale, seule la profession d'assistant de service social est visée par un texte comme étant soumise a` l'obligation du secret professionnel par profession (article L411-3 du CASF).

D’autres professionnels du social peuvent être, par la loi, soumis au secret professionnel (CESF, ES, directeur d’un pôle insertion, référent professionnel RSA par exemple). Ainsi, depuis la nouvelle rédaction de l’article 226-13 du code pénal, les professionnels du champ de l’action sociale peuvent être soumis par la loi au secret professionnel dans le cadre d’une fonction ou d’une mission temporaire. 

Il faut donc interroger plus largement d’autres textes juridiques pour connaître les professionnels de l’action sociale soumis à l’obligation de se taire. Nous citerons quelques exemples  : 

Art. L.221-6 du CASF : « Toute personne participant aux missions du service de l'aide sociale a` l'enfance est tenue au secret professionnel sous les peines et dans les conditions prévues par les articles 226-13 et 226-14 du code pénal ».

Article L. 262-34 du CASF. : « Toute personne appelée a` intervenir dans l'instruction des demandes ou l'attribution de l'allocation ou de la prime forfaitaire instituée par l'article L. 262-11 ainsi que dans l'élaboration, l'approbation et la mise en œuvre du contrat d'insertion est tenue au secret professionnel dans les termes des articles 226-13 et 226-14 du code pénal et passible des peines prévues a` l'article 226-13. 

Toute personne a` laquelle a été transmise, en application de l'article L. 262- 33, la liste des personnes percevant une allocation de revenu minimum d'insertion ou une prime forfaitaire est tenue au secret professionnel dans les mémés condition »s. 

Article L121-6-2 du CASF (loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance) : « … Le coordonnateur est soumis au secret professionnel dans les mêmes conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal… »

Plus récemment l’article L345-1 CASF, issu de la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes du 4 août 2014, prévoit que les personnels des CHRS sont tenus au secret professionnel. 

Finalement nous pouvons retenir que plusieurs professionnels du champ médico-social peuvent être tenus au secret professionnel, toujours dans le cadre de la loi, ce qui nous amène à poser la question du partage des informations à caractère secret.

2/ Les dérogations au devoir de se taire

Le secret professionnel est soumis, donc, à un principe : celui de taire les informations à caractère secret mais des dérogations à cette obligation sont possible à chaque fois que la situation de la personne accompagnée le permet.

Le partage des informations à caractère secret entre professionnels

La question du partenariat et de l’équipe de travail Le partage d’information permet de prendre du recul, il conforte une analyse. Il permet de conjuguer des compétences, de coordonner des interventions, il permet de travailler au sein d’équipes pluridisciplinaires qui ont des logiques d’interventions différentes. Il est clairement admis que les échanges entre professionnels des informations à caractère secret ne sont autorisés que s’ils sont strictement en lien avec l’aide accordée. La circulaire Santé -Justice du 21 juin 1996 tente de donner « un mode d'emploi » du partage d’informations à caractère secret : « Il convient, dans cette hypothèse, de ne transmettre que les éléments nécessaires, de s'assurer que l'usager concerné est d'accord pour cette transmission ou tout au moins qu'il en a été informé ainsi que des éventuelles conséquences que pourra avoir cette transmission d'informations et de s'assurer que les personnes à qui cette transmission est faite sont soumises au secret professionnel et ont vraiment besoin, dans l'intérêt de l'usager, de ces informations. Le professionnel décidant de l'opportunité de partager un secret devra également s'assurer que les conditions de cette transmission (lieu, modalités), présentent toutes les garanties de discrétion ».

Par ailleurs, le législateur est intervenu en matière de partage des informations à caractère secret. Trois textes de lois légifèrent sur la question du partage des informations à caractère secret : La loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de sante, la loi n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance et la loi n°2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance. Le premier de ces textes recouvre le champ médical et les deux autres textes l’intervention sociale auprès des jeunes et de leur famille dans une perspective de prévention des risques et de protection des mineurs.

En matière médicale : c’est l’article L.1110-4 du code de la sante publique qui organise le partage des informations relatives à la santé d’un patient dans le cadre de l’équipe pluridisciplinaire :

« Deux ou plusieurs professionnels de santé peuvent toutefois, sauf opposition de la personne dûment avertie, échanger des informations relatives à une même personne prise en charge, afin d'assurer la continuité des soins ou de déterminer la meilleure prise en charge sanitaire possible. Lorsque la personne est prise en charge par une équipe de soins dans un établissement de santé, les informations la concernant sont réputées confiées par le malade à l'ensemble de l'équipe ». C’est le dernier alinéa de cet article qui a fait couler beaucoup d’encre, on a alors parlé de « secret médical partagé ». Il faut, cependant, ne retenir de cette rédaction que les informations relatives à la santé des personnes concernent les membres de la même équipe médicale qui s’occupe du patient concerné par ce partage d’informations (et évidemment pas l’ensemble d’un établissement de santé par exemple !), que l’information qui circule est uniquement celle relative à la prise en charge des soins, dans un objectif thérapeutique.

En matière sociale : l’article L.121-6-2 du CASF (Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 art. 8 Journal Officiel du 7 mars 2007) :

« Par exception à l'article 226-13 du même code, les professionnels qui interviennent auprès d'une même personne ou d'une même famille sont autorisés à partager entre eux des informations à caractère secret, afin d'évaluer leur situation, de déterminer les mesures d'action sociale nécessaires et de les mettre en œuvre. Le coordonnateur a connaissance des informations ainsi transmises. Le partage de ces informations est limité à ce qui est strictement nécessaire à l'accomplissement de la mission d'action sociale ».

Une circulaire du 9 mai 2007 vient préciser le dispositif relatif à l’application de l’article 8 de la loi n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance. L’article 8 institue un dispositif de coordination des professionnels de l’action sociale. Il donne un fondement légal au partage des informations entre ces professionnels et à la communication de certaines de ces informations, au maire et au président du conseil général, lorsque ces informations apparaissent nécessaires à l’exercice de leurs compétences. Cependant, la circulaire précise que la décision de partager des informations relève de l’appréciation de chacun des professionnels. L’échange n’est pas rendu obligatoire par la loi puisqu’il s’inscrit dans la pratique professionnelle et relève de l’appréciation des circonstances par le professionnel. Enfin, il prévoit, l’assujettissement des professionnels, du maire, du président du conseil général ou de leurs représentants élus aux dispositions du code pénal relatives au secret professionnel dont les conditions de levée, sont strictement définies, et rappelle expressément l’interdiction, sous peine de sanction, de la divulgation à des tiers des informations couvertes par le secret.

La loi n°2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance légifère également sur la question du partage des informations à caractère secret. Cette loi donne un cadre légal au partage des informations concernant des mineurs en danger ou risquant de l’être. Tout en étant préservé, le secret professionnel est aménagé par la loi pour autoriser légalement le partage d’informations entre professionnels, et cela dans l’intérêt de l’enfant. Le secret professionnel est préserve car le partage d’informations doit s’effectuer dans des conditions strictes. A propos du partage des informations à caractère secret en protection de l’enfance, l’Anesm nous rappelle dans son rapport un principe de base celui de l’évaluation : « Néanmoins, le partage d’informations à caractère secret est nécessaire à l’évaluation des situations des enfants, en amont ou en aval de la transmission aux autorités » . Toujours, dans le même rapport, l’Anesm préconise au sujet du partage des informations à caractère secret en protection de l’enfance « de partager que ce qui est strictement nécessaire à l’accompagnement personnalisé de l’enfant ; adapté à son évolution ; adapté au cadre d’intervention de celui qui les transmet et de celui qui les reçoit. Le partage d’informations concernant la santé avec les professionnels socio-éducatifs requiert une vigilance particulière » .

Enfin, le code pénal prévoit à l’article 226-14 trois situations qui dérogent à la sanction pénale de l’article 226-13 du code pénal :

1ère situation. Il s’agit en premier lieu des professionnels qui informent les autorités médicales, administratives ou judiciaires de mauvais traitements infligés à un mineur ou à une personnes vulnérable. Le législateur énonce les différents cas de mauvais traitements : « privations ou sévices, y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes ou mutilations sexuelles » dont le professionnel a eu connaissance. Les personnes à protéger sont les mineurs et les personnes réputées vulnérables. Il est à noter que la dernière rédaction de l’article 226-14 du code pénal , le législateur ne fait plus référence à l’âge de 15 ans concernant les mineurs . Il faut donc en déduire que le champ de protection visé couvre la minorité des personnes concernées. Concernant les personnes vulnérables, il faut se référer à l’article 434-3 du code pénal pour connaître plus précisément des personnes vulnérables concernées : « personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou d'un état de grossesse ». Même si le code pénal a le mérite de préciser qu’elles sont les personnes réputées vulnérables, il n’en demeure pas moins que l’évaluation de la vulnérabilité sera toujours nécessaire pour l’intervenant social et médico-social. L’âge ou une déficience physique ou même psychique n’entraîne pas nécessairement une vulnérabilité. La qualité et la présence de l’entourage de la personne, par exemple, sont de bons indicateurs de la vulnérabilité de cette dernière.

2ème situation. En second lieu le médecin peut informer le procureur de la République de mauvais traitements infligés à une personne. Ici, le législateur distingue la victime majeure de la victime mineure. Concernant la victime majeure, cette dernière doit donner son accord pour que cette information puisse se réaliser : « Au médecin, qui avec l’accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République les sévices ou privations qu’il a constatés ». Concernant la victime mineure, l’accord de la victime pouvant poser problème lorsqu’elle est mineure, le législateur a modifié le texte et considère que l’accord de la victime mineure ou de la victime réputée vulnérable n’est plus nécessaire pour que le médecin procède à un signalement auprès des autorités judiciaires : « Lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n'est pas nécessaire ». Mais ce sont des autorisations à révéler des faits et non pas des obligations. Si le professionnel tenu au secret dénonce, il ne commet pas le délit de violation du secret en vertu de l’article 226-14 du code pénal. Et, dans l’hypothèse où le professionnel se tait, il ne commet pas non plus le délit de refus de dénonciation en vertu de l’article 434-3 du code pénal (sauf si la loi en dispose autrement).

3ème situation. Un autre cas a été défini par l’article 85 du titre II relatif aux armes et aux munitions de la loi Sécurité intérieure du 18 mars 2003 qui insère un nouvel alinéa à l’article 226-14 et qui autorise les professionnels du champ social et médico-social à informer « le préfet du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont elles savent qu’elles détiennent une arme ou qu’elles ont manifesté leur intention d’en acquérir une ». Enfin la loi du 16 novembre 2001 instaure une protection particulière pour les travailleurs sociaux qui dénoncent des faits de maltraitance. Cette loi proscrit tout type de discrimination dans l’emploi dirigé contre des personnels des institutions sociales et médico-sociales pour avoir relaté ou témoigné de mauvais traitements ou privations infligées à une personne accueillie. Cette disposition a été adoptée à la demande des personnels qui souhaitaient la protection des salariés se refusant à couvrir des violences institutionnelles.

Toutefois, cette faculté de lever le secret professionnel peut se transformer en des obligations. 

L’article L.221-6 du CASF impose un devoir de transmission : Cet article concerne les personnes participant au service de l’aide sociale à l’enfance. Le texte est très explicite, ces professionnels sont tenus de transmettre sans délai au président du conseil général ou de son représentant désigné par lui toute informations sur les mineurs. Il s’agit d’une obligation qui s’impose aux professionnels.

La théorie du mandat judiciaire : un travailleur social qui exerce son activité dans le cadre d’un mandat judiciaire, doit rendre compte de tous les élément et évènements concernant la situation de l’enfant. Ce travailleur social est tenu par le mandat judiciaire qui légitime ses actions dans la famille et auprès de l’enfant.

L’analyse des deux textes suivants va nous permettre de mieux comprendre les intentions du législateur en matière de dénonciation de crimes et en matière de sévices sur mineurs, il s’agit des articles 434-1 et 434-3 du code pénal

Art. 434-1 du code pénal : cet article précise que ses dispositions ne sont pas applicables à trois catégories de personnes qui bénéficient d'une immunité, sauf en ce qui concerne les crimes commis sur les mineurs de quinze ans.

1/En premier les parents en ligne directe et leurs conjoints, ainsi que les frères et sœurs et leurs conjoints, de l'auteur ou du complice du crime.

2/En second, le conjoint de l'auteur ou du complice du crime, ou la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui

3/Enfin, les personnes astreintes au secret professionnel prévues par l'article 226-13 du code pénal. Il n'y a donc pas d'obligation de dénonciation imposée pour les personnes tenues au secret professionnel, mais une obligation de réaction (sauf en ce qui concerne les crimes commis sur les mineurs de 15 ans).

Art. 434-3 : Le dernier alinéa de l'article 434.3 du code pénal dispense, sauf lorsque la loi en a disposé autrement, les professionnels soumis au secret professionnel de l'obligation d'informer l'autorité judiciaire ou administrative du fait d'avoir eu connaissance de mauvais traitements infligés à des mineurs de 15 ans ou des personnes vulnérables. Les travailleurs sociaux seraient-ils exemptés de l'obligation de dénoncer des situations de mauvais traitements lorsqu'ils sont astreints au secret professionnel ? Cette affirmation néglige en partie l'article 434.3 du code pénal qui dispense de cette obligation de dénonciation « sauf lorsque la loi en dispose autrement ». L'article L.221-6 du CASF énonce justement une obligation de transmission pour les personnes participant aux missions de l’aide sociale à l’enfance : « Toute personne participant aux missions de l'aide sociale à l'enfance est tenue de transmettre sans délai au président du conseil général ou son représentant désigné par lui toute information nécessaire pour déterminer les mesures dont les mineurs et leur famille peuvent bénéficier, et notamment toutes informations sur les situations de mineurs susceptibles de relever des dispositions du CASF ». De plus l’article L226-2-1 du CASF créé par la loi du 5 mars 2007 organise au niveau départemental la transmission des informations préoccupantes. Enfin, le mandat judiciaire relève les travailleurs sociaux du secret professionnel et qu'ils sont tenus d'informer le juge de l'évolution de l'enfant et de la famille dans le cadre d'une prise en charge judiciaire, sous la forme du compte rendu au magistrat prescripteur.

Enfin la non assistance à personne en danger énoncé à l’article 223-6 du code pénal est sévèrement punie par le législateur : « Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne s'abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende. Sera puni des mêmes peines quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours ». Il s'agit d'un délit intentionnel, celui de s'abstenir de faire. Ce délit concerne tous les citoyens, celui de porter secours à une personne en danger soit en intervenant directement (dans la mesure du possible bien évidemment) soit en appelant les secours.

Dans son intervention, Marie-Odile GRILHOT BESNARD, juriste, précise les obligations de se taire et leurs limites pour les professionnels soumis au secret.