Article L1110-4 du code de la santé publique

L'article L1110-4 du code de la santé publique

"I.-Toute personne prise en charge par un professionnel de santé, un établissement ou un des services de santé définis au livre III de la sixième partie du présent code, un professionnel du secteur médico-social ou social ou un établissement ou service social et médico-social mentionné au I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations le concernant. Excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret couvre l'ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel, de tout membre du personnel de ces établissements, services ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s'impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé.

II.-Un professionnel peut échanger avec un ou plusieurs professionnels identifiés des informations relatives à une même personne prise en charge, à condition qu'ils participent tous à sa prise en charge et que ces informations soient strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins, à la prévention ou à son suivi médico-social et social.

III.-Lorsque ces professionnels appartiennent à la même équipe de soins, au sens de l'article L. 1110-12, ils peuvent partager les informations concernant une même personne qui sont strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins ou à son suivi médico-social et social. Ces informations sont réputées confiées par la personne à l'ensemble de l'équipe. Le partage, entre des professionnels ne faisant pas partie de la même équipe de soins, d'informations nécessaires à la prise en charge d'une personne requiert son consentement préalable, recueilli par tout moyen, y compris de façon dématérialisée, dans des conditions définies par décret pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

IV.-La personne est dûment informée de son droit d'exercer une opposition à l'échange et au partage d'informations la concernant. Elle peut exercer ce droit à tout moment.

V.-Le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir la communication de ces informations en violation du présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. En cas de diagnostic ou de pronostic grave, le secret médical ne s'oppose pas à ce que la famille, les proches de la personne malade ou la personne de confiance définie à l'article L. 1111-6 reçoivent les informations nécessaires destinées à leur permettre d'apporter un soutien direct à celle-ci, sauf opposition de sa part. Seul un médecin est habilité à délivrer, ou à faire délivrer sous sa responsabilité, ces informations. Le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès. Toutefois, en cas de décès d'une personne mineure, les titulaires de l'autorité parentale conservent leur droit d'accès à la totalité des informations médicales la concernant, à l'exception des éléments relatifs aux décisions médicales pour lesquelles la personne mineure, le cas échéant, s'est opposée à l'obtention de leur consentement dans les conditions définies aux articles L. 1111-5 et L. 1111-5-1.

VI.-Les conditions et les modalités de mise en œuvre du présent article pour ce qui concerne l'échange et le partage d'informations entre professionnels de santé et non-professionnels de santé du champ social et médico-social sont définies par décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés." Article L1110-4 du code de la santé publique

 

Commentaires sur le L1110-4 du CSP : secret professionnel et partage d'informations étendus en médical, médico-social et social

Pour faciliter la compréhension des différents aspects et les conséquences de cet article découpé en 6 parties, nous le commentons partie par partie.

Partie I : Le secret

"I.-Toute personne prise en charge par un professionnel de santé, un établissement ou un des services de santé définis au livre III de la sixième partie du présent code, un professionnel du secteur médico-social ou social ou un établissement ou service social et médico-social mentionné au I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations le concernant. Excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret couvre l'ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel, de tout membre du personnel de ces établissements, services ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s'impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé."

Partie I commentée : Le secret pour tous

- La formulation prend l'angle de la personne prise en charge par des institutions ou professionnels desquels elle est en droit d'attendre que sa vie sa vie privée et le secret des informations le concernant soient respectés. Tous les professionnels sont donc soumis au secret professionnel.

- Ces professionnels sont : les professionnels intervenant dans le système de santé (donc aussi les personnels sociaux des unités de soins par exemple) et les professionnels du social ou médico-social qui travaillent dans un établissement ou service relevant de l'article L312-1 du CASF (l’ensemble des services/établissements intervenant auprès des personnes handicapées (IME, ESAT, SESSAD, etc…), les foyers de jeunes travailleurs, les associations qui gèrent les tutelles et curatelles aux majeurs, les services habilités PJJ, les centres d’accueil des demandeurs d’asile, ou encore les centres d'action médico-sociale précoce par exemple).

- La liste des professionnels soumis au secret s'est donc considérablement élargie : dorénavant, ce sont non seulement les personnels soignants mais aussi les autres types de professionnels qui interviennent dans la prise en charge de la personne, voire "tout membre du personnel" de ces établissements ou services qui y sont soumis. 

 

Partie II : Le partage d'information

"II.-Un professionnel peut échanger avec un ou plusieurs professionnels identifiés des informations relatives à une même personne prise en charge, à condition qu'ils participent tous à sa prise en charge et que ces informations soient strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins, à la prévention ou à son suivi médico-social et social."

Partie II commentée : Le partage d'information facilité

- Le partage d'information est autorisé et non-obligatoire : c'est une faculté, pas un devoir.

- Il n'est possible qu'entre professionnels participant directement à la prise en charge de la personne.

- Ce partage est limité aux informations strictement nécessaires pour des objectifs cependant multiples : la coordination, la continuité des soins, la prévention ou le suivi médico-social et social. 

 

Partie III : Le partage dans et hors équipe de soins

"III.-Lorsque ces professionnels appartiennent à la même équipe de soins, au sens de l'article L. 1110-12, ils peuvent partager les informations concernant une même personne qui sont strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins ou à son suivi médico-social et social. Ces informations sont réputées confiées par la personne à l'ensemble de l'équipe. Le partage, entre des professionnels ne faisant pas partie de la même équipe de soins, d'informations nécessaires à la prise en charge d'une personne requiert son consentement préalable, recueilli par tout moyen, y compris de façon dématérialisée, dans des conditions définies par décret pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés."

Partie III commentée : Partage dans et hors l'équipe : Les deux positions de la personne prise en charge

Une équipe de soins "au sens de l'article L. 1110-12" du CSP « est un ensemble de professionnels qui participent directement au profit d'un même patient à la réalisation d'un acte diagnostique, thérapeutique, de compensation du handicap ou de prévention de perte d'autonomie, ou aux actions nécessaires à leur coordination, et qui  :

1° Soit exercent dans le même établissement de santé, ou dans le même établissement ou service social ou médico-social mentionné au I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, ou dans le cadre d'une structure de coopération, d'exercice partagé ou de coordination sanitaire ou médico-sociale figurant sur une liste fixée par décret ;

2° Soit se sont vu reconnaître comme ayant la qualité de membre de l'équipe de soins par un médecin auquel le patient a confié la responsabilité de la coordination de sa prise en charge ;

3° Soit exercent dans un ensemble, comprenant au moins un professionnel de santé, présentant une organisation formalisée et des pratiques conformes à un cahier des charges fixé par un arrêté du ministre chargé de la santé. »

On voit que l'équipe de soins regroupe des situations très différentes et parfois éloignées de notre représentation du "soin" souvent caractérisée par un acte technique de soin médical ou paramédical. Ici, un membre de l'équipe de soins n'est pas forcément un "soignant".

Dans l'équipe de soins : Les informations sont "réputées confiées par la personne à l'ensemble de l'équipe". Cela veut dire qu'une fois confiée à un des membres de l'équipe de soin, l'information peut librement circuler entre les professionels de cette équipe, sans opposition possible de la part de la personne prise en charge. A l'intérieur de l'équipe de soins, il n'y a plus de secret tant que l'information est "strictement nécessaire" aux objectifs énoncés dans la partie III.

Entre-équipes de soins : Le partage est possible sous réserve qu'il soit destiné à assurer la prise en charge de la personne ET d'avoir recueilli le "consentement préalable" de la personne par "tout moyen". Dans ce cas, la personne retrouve donc la maitrise des circulations d'informations la concernant. Les conditions de recueil du consentement seront précisées par un décret après consultation de la CNIL.

 

Partie IV : L'obligation d'information et le droit d'opposition de la personne

"IV.-La personne est dûment informée de son droit d'exercer une opposition à l'échange et au partage d'informations la concernant. Elle peut exercer ce droit à tout moment."

Partie IV commentée : L'obligation d'information et le droit d'opposition de la personne hors... et dans l'équipe de soins ? 

- Telle que rédigée, cette partie semble concerner toutes les circulations d'informations, donc aussi celles qui se produisent au sein d'une équipe de soins. Cependant, vu que dans une même équipe de soins, le point III ne prévoit aucune limite de circulation des informations, il faut considérer que le point IV ne concerne que les circulations d'informations vers une ou plusieurs autre(s) équipe(s) de soins. 

- La consentement préalable de la personne est donc précédé d'une information obligatoire de son droit à s'opposer au partage d'informations, mais aussi à sa possibilité de s'y opposer "à tout moment" donc même après l'avoir accepté ! Elle garde ainsi la maitrise permanente des passages ou interdictions de passages d'informations entre équipes de soins.

- Cette partie est très importante pour les équipes de soins, les professionnels et la peronne prise en charge : ils doivent expliquer à la personne les interlocuteurs envisagés, l'intérêt du partage d'information qui leur apparaît nécessaire et s'en tenir à la décision de la personne.  

 

Partie V : La sanction pour violation de l'article L1110-4 et les tiers pouvant avoir accès aux informations

"V.-Le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir la communication de ces informations en violation du présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. En cas de diagnostic ou de pronostic grave, le secret médical ne s'oppose pas à ce que la famille, les proches de la personne malade ou la personne de confiance définie à l'article L. 1111-6 reçoivent les informations nécessaires destinées à leur permettre d'apporter un soutien direct à celle-ci, sauf opposition de sa part. Seul un médecin est habilité à délivrer, ou à faire délivrer sous sa responsabilité, ces informations. Le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès. Toutefois, en cas de décès d'une personne mineure, les titulaires de l'autorité parentale conservent leur droit d'accès à la totalité des informations médicales la concernant, à l'exception des éléments relatifs aux décisions médicales pour lesquelles la personne mineure, le cas échéant, s'est opposée à l'obtention de leur consentement dans les conditions définies aux articles L. 1111-5 et L. 1111-5-1."

Partie V commentée : Une sanction forte et des tiers informés sous conditions

- Cet article prévoit une peine d'un an de prison et 15 000 euros d'amende pour ceux qui obtiennent ou tentent d'obtenir la communication des informations concernées par cet article. Ces sanctions se situent au même niveau que la violation de secret professionnel prévue à l'article 226-13 du code pénal. On peut donc considérer que les professionnels soumis au secret qui divulgueraient ces informations seraient passibles des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal, et que ceux qui hors-équipe de soins tenteraient d'obtenir ces informations sont passibles du même niveau de sanction. Cela peut par exemple être le cas d'un partage d'information entre équipe de soins sans accord de la personne prise en charge. En effet, sans son consentement éclairé, le passage d'information d'une équipe de soins vers une autre est une violation du secret auquel a droit la personne prise en charge. Cela va obliger à être particulièrement vigilant de la part de tous les professionnels !

- La possibilité pour un médecin d'informer la famille, les proches d'une personne malade ou la personne de confiance d'un diagnostice ou pronostic grave est conditionnée à l'objectif que soit apporté par eux un soutien direct à la personne malade, et que cette dernière ne s'oppose pas à cette information des proches : elle reste donc seule décisionnaire de ce partage. Et les professionnels de l'équipe de soins autres que les médecins n'ont pas le droit de divulguer de telles informations. 

 

Partie VI : Les modalités d'application à venir

"VI.-Les conditions et les modalités de mise en œuvre du présent article pour ce qui concerne l'échange et le partage d'informations entre professionnels de santé et non-professionnels de santé du champ social et médico-social sont définies par décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés."

Partie VI commentée : Des décrets pour encadrer les circulations d'informations à venir

- Les conditions dans lesquelles la personne devra être informé du devenir de ses données, les conditions matérielles d’enregistrement de son consentement, le passage d'informations entre les différents professionnels concernés restent à définir par décret. NOUVEAU : retrouvez l'analyse des décrets parus le 20 juillet 2016 ici Loi Santé : les apports des décrets n° 2016-994 et 2016-996 du 20 juillet 2016

 

Pour aller plus loin :

Voir l'analyse de Christophe DAADOUCH publiée le 7 février 2016 :

Loi Santé du 26 janvier 2016 : le secret professionnel soumis à la logique du Dossier Médical Personnel 

Voir le communiqué publié le 15 février 2016 par secretpro.fr : 

Appel pour un Chantier National du secret professionnel ! Après la Loi du 26 janvier 2016 et sa large extension du secret et du partage sans réflexion préalable… 

Voir l'analyse des décrets du 20 juillet 2016 :

Loi Santé : les apports des décrets n° 2016-994 et 2016-996 du 20 juillet 2016

Voir notre analyse du risque pénal pour les professionnels : L'article L1110-4, le risque pénal et les catégories d'informations à partager

Voir enfin la synthèse du 1er janvier 2017 qui permet de saisir l'ensemble : Pour bien comprendre la Loi Santé et son impact sur les pratiques de partage d’informations