Secret professionnel et protection de l’enfance - secteur des professionnels exerçant dans le cadre d’une mesure administrative ou judiciaire

Ce qu’il faut retenir lorsque l'on exerce dans une mesure administrative ou judiciaire en protection de l'enfance

- Exercer dans le cadre d’une mesure administrative, c’est exercer dans un cadre spécifique à la demande de l’autorité administrative : recueil d’informations afin d’évaluer une information préoccupante, exercice d'une action éducative contractualisée.

- Exercer dans le cadre d’une mesure judiciaire, c’est exercer dans le cadre ordonné par l’autorité judiciaire : c’est le cas des mesures d’assistance éducative telles que l’Action Educative en Milieu Ouvert ou le placement d’un mineur. Le juge des enfants peut ordonner une information visant à mieux cerner et comprendre la situation d’un mineur : c’est le cas de la Mesure Judiciaire d’Investigation Educative.

- Lorsqu’un mineur est confié au service de l’aide sociale à l’enfance, il a un référent éducatif généralement agent de l’administration du conseil général. Il n’en reste pas moins que la mesure dans laquelle il exerce est une mesure judiciaire.

- Dans le cadre de ces mesures administratives ou judiciaires, le professionnel référent en contact avec la famille est là à la demande de l’autorité décisionnaire, qu’elle soit administrative ou judiciaire.

- Les informations relatives à la protection de l’enfant doivent être portées à la connaissance de cette autorité afin qu’elle puisse prendre les dispositions adéquates conformément à ses prérogatives. Nul secret professionnel ne peut donc être opposé à ces autorités dans un tel cadre. Ce serait absurde : comment cette autorité, qui a ordonné la mesure, pourrait-elle évaluer la pertinence de son maintien ou de sa suspension en l’état si aucune information ne devait lui remonter ?

- Cependant, les informations qui n’ont pas de lien direct ou indirect avec la situation du mineur n’ont pas à figurer dans les rapports ou autres supports servant à renseigner l’autorité.

- La règle est donc : pas de secret à l'autorité pour toutes informations pertinentes qui concernent l'enfant et son évolution; secret pour toutes les informations sans rapport avec l'objet de la mesure administrative ou judiciaire.  

Sur le partage d’informations

- Dans la mesure où le professionnel exerce dans le cadre de la protection de l’enfance, conformément à l’article l'article L226-2-2 du code de l'action sociale et des familles, il est autorisé à partager des informations à caractères secret :

  1. Avec ses seuls pairs soumis au secret professionnel et exerçant dans le cadre de la mission ou y concourant,
  2. « afin d'évaluer une situation individuelle, de déterminer et de mettre en oeuvre les actions de protection et d'aide dont les mineurs et leur famille peuvent bénéficier ». Notez qu’il est ici question d’actions de protection et d’aide, un champ plus large que les « mesures »
  3. « Le partage des informations relatives à une situation individuelle est strictement limité à ce qui est nécessaire à l'accomplissement de la mission de protection de l'enfance. »
  4. « Le père, la mère, toute autre personne exerçant l'autorité parentale, le tuteur, l'enfant en fonction de son âge et de sa maturité sont préalablement informés, selon des modalités adaptées, sauf si cette information est contraire à l'intérêt de l'enfant. »
  5. "Autorisé" ne signifie donc pas obligé : c'est le professionnel qui choisit s'il est préférable de partager ou pas.

 

- Ces conditions sont cumulatives. Pour ne pas enfreindre la cadre légal autorisant un tel partage d’informations, il convient de satisfaire aux 5 exigences posées par le législateur : partage entre pairs soumis au secret ; participant ou concourant à la protection de l’enfance, dans un objectif d’évaluation et de mise en œuvre d’actions et d’aides ; informations strictement limitées à l’exercice de la mission protection ; et information préalable des parents sauf intérêt contraire de l’enfant.

Quel impact sur le travail social ?

Ce cadre doit amener les professionnels à expliquer aux personnes qu'ils rencontrent dans le cadre d'une mesure administrative ou judiciaire deux choses importantes :

- Ils devront adresser certaines informations à l'autorité administrative ou judiciaire à l'origine du mandat;

- ils pourront partager des informations avec certains acteurs professionnels soumis eux-aussi au secret professionnel (sous réserve des conditions énoncées par l'article L226-2-2 du code de l'action sociale et des familles).

Cela permet de claifier le cadre de travail qui lie travailleurs sociaux et usagers. Chacun peut alors mesurer ce qui se joue et agir en conséquence. Cela peut aussi permettre de créer un mode de relation où la question de la circulation des informations est discutée, la sélection des éléments faîte ensemble.

Dans tous les cas, dans ce cadre, sauf à tromper la personne, on ne peut lui annoncer que tout ce qu'elle dit restera secret.   

Références juridiques

- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre criminelle, 8 octobre 1997

- Article L221-6 du code de l'action sociale et des familles  

- Article L226-2-2 du code de l'action sociale et des familles

Le secret dans le secteur des professionnels exerçant dans le cadre d'une mesure administrative ou judiciaire en protection de l'enfance.