L’article 40 : nouvelles confusions

Nous avons déjà évoqué sur ce site les nombreuses confusions faites sur l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale obligeant tout officier public ou fonctionnaire à transmettre au procureur, sans délai, tout crime ou délit dont on il a acquis la connaissance. Pierre Daninos écrivait à propos des vessies, « personne n'en a jamais vu qui ressemblent à des lanternes, mais tout le monde en parle ».

L’article 40, personne ne l’a lu mais tout le monde l’invoque.  Ce fut encore le cas le 16 octobre 2022 à l’occasion du (enième) reportage de M6 sur la protection de l’enfance. A l’issue d’un documentaire montrant des mineurs  de l’ASE délaissés à l’hôtel, sans contact avec les éducateurs, déscolarisés  et enfermés dans leurs chambres, la maire adjointe de Paris « chargée des droits de l'enfant et de la protection de l'enfance », Dominique Versini, était interviewée et confrontée aux images.

Après avoir indiquée qu’elle découvrait cette réalité, elle n’eut qu’une réponse répétée tel un mantra : « article 40 », « article 40 », « article 40 » signifiant au journaliste qu’il aurait dû interpeller la justice sur de telles situations.  Passons sur la question déontologique - un journaliste doit-il saisir la justice ? - pour nous demander si l’adjointe en question a lu l’article 40 ?  Il y est précisé que « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ».

Une simple analyse de ce texte montre comment il convient de comprendre ou interpréter l’article 40... quand on l'a lu.

Certains verront dans cet appel une nostalgie de l’ORTF –supprimée en 1974- où les journalistes pouvaient être fonctionnaires.  Nous y voyons quelque chose de plus inquiétant : de la bouche d’une ancienne défenseure des enfants, accessoirement magistrate au Conseil d’Etat, cela fait preuve d’une certaine légèreté et d’une curieuse conception de la responsabilité.

Christophe Daadouch