Vous trouverez ci-après le propos introductif au colloque organisé le lundi 11 mai 2015 par le Conseil Départemental de la Lozère, sur le thème du secret professionnel et du partage d'informations.
"Je vais entamer ce propos introductif par deux thèmes, éloignés et pourtant en lien avec le sujet qui nous occupe, et qui marquent régulièrement l’actualité.
Facebook, NSA, Loi renseignement et secret professionnel
Le premier thème, c’est Facebook, les réseaux sociaux et la mise en ligne de sa vie privée, avec le danger de partager des éléments qui peuvent se retourner contre son auteur. Devant ce phénomène, nous apprenons aux enfants et adolescents à ne pas se dévoiler trop facilement, nous les invitons à réfléchir aux effets de ce dévoilement... Nous leur expliquons que leur espace privé et les informations les concernant sont des choses précieuses, dont il faut garder la maitrise si l’on ne veut pas que ces informations soient utilisées contre soi.
Le second thème, ce sont les révélations d’Edward Snowden concernant les écoutes de la NSA et la loi sur le renseignement dont certains aspects ont fait débat. Cela souligne le danger de voir des acteurs visant à la sécurité venir surveiller chaque parcelle de vie des citoyens, parfois, directement ou indirectement, via les professionnels. Lorsque nous apprenons ce qui se fait à notre insu, nous voulons des lois et mesures qui nous protègent de ceux qui, pour un objectif louable, s'autorisent tout avec nos vies, même aller dans des espaces dont nous sommes théoriquement les seuls détenteurs.
Nous demandons donc à ce que soit protégées nos vies et celles des nôtres. Mais que faisons nous de celle des autres, nous qui sommes en contact avec une large part de la population ?
Les travailleurs sociaux et médico-sociaux accèdent à des épisodes de vie et impactent parfois sur leur déroulement : la façon dont sont en relation des hommes et des femmes, des parents et des enfants, leurs choix de gestion de leurs actions et de leurs biens... Nous avons dans de nombreuses situations un pouvoir, c'est à dire la capacité directe ou indirecte que soient gratifiées ou sanctionnées ces mêmes personnes. Et peut-être sommes-nous potentiellement extrêmement dangereux puisque nous sommes des aidants, des personnes qui sont là pour aider... Existe t-il plus puissant moteur de l'action que la volonté d'aider l'autre, d'agir pour son bien, même si c'est parfois malgré lui ? Existe t-il plus difficile situation pour un citoyen que celle de se défendre d'un professionnel avec un certain pouvoir et qui lui veut autant de bien ?
Nous recueillons et faisons circuler de plus en plus d'informations sur la vie des personnes. La moindre préoccupation concernant un enfant semble d’abord devoir se transformer en information préoccupante plutôt qu'en action, en parole et discussion avec l'enfant et les siens... L'évolution que nous considérons bonne d'une situation justifie des partages multiples... Les instances croisées, réunissant toujours plus de professionnels et d'institutions, se multiplient... L’information confiée à un travailleur social intéresse bien au-delà de son seul service…
Faire circuler ou pas une information est un choix éthique avant d'être légal.
Pour agir juste, nous avons besoin de garde-fous et de réinterroger notre pratique réelle, qui n'est que rarement la pratique idéale que nous souhaitons. Parce que les contextes ne donnent pas toujours les moyens nécessaires à l'action, parce que nous sommes le nez dans le guidon, parce que nous ne sommes pas toujours à 100 %, parce que nos métiers sont complexes et éprouvants... Il faut donc aider les aidants. Car en travail social, prendre en charge une situation sans prendre en compte la personne et sa volonté revient souvent à mal-traiter plutôt qu'aider, donc à construire l'illusion d'une solution à court terme tout en renforçant le problème.
Dans ce contexte, l’initiative originale du Conseil Départemental de la Lozère mérite d’être soulignée. D’abord cette première journée de colloque-formation ouverte à tous les agents concernés au quotidien, permettant de sensibiliser chaque acteur en même temps. Cette journée, nous l’animerons ensemble avec Marie-Odile GRILHOT. Et demain, c’est avec un groupe de 14 professionnels situés dans différents lieux que je travaillerai à l’élaboration d’une charte permettant de se repérer dans les circulations possibles d’information, ce qui revient à désigner en creux les circulations impossibles.
Avant de vous présenter le programme de la journée, nous voulions donc vous remercier de vôtre présence et aussi vous inviter à une participation active pour que cette journée soit au plus près de vos interrogations et besoins !"
Laurent Puech