Curieux paradoxe avouons-le que de protéger la vie privée de ceux qui la déballent. En distinguant le dépositaire d’une information (le professionnel) et le propriétaire (l’usager) l’article 226.13 oblige l’un au silence quand l’autre peut se répandre sur sa situation. Les uns dans la salle d’attente du service, les autres sur les réseaux sociaux. Dès lors, comment défendre l’importance du secret professionnel dans une société où exposer sa vie privée sur internet est un vecteur majeur de socialisation ?
On ne compte désormais plus sur le net les « blogs » tenus souvent par une personne, qui dénonce les pratiques des services d’aide sociale à l’enfance, des services tutélaires ou de tel ou tel médecin.
L’intéressé y raconte sa situation personnelle et ses difficultés, y nomme ses enfants, identifie les professionnels sociaux publiant parfois tant leurs photos que les enregistrements d’entretiens socio-éducatifs effectués à l’insu du professionnel. Nous ne mettons pas le lien vers certains de ces « blogs » mais ils se multiplient, apparaissent puis disparaissent parfois au gré des menaces de plainte.
A défaut d’utiliser des voies de droit souvent méconnues pour sanctionner des pratiques professionnelles qui peuvent être défaillantes –quel métier peut prétendre à l’infaillibilité- l’usager entend ainsi se « venger » et rendre coup pour coup aux souffrances que son accompagnement a pu lui causer.
Ne pas tomber dans le piège de la violation de secret professionnel
Comment réagir ? Patience et vigilance sont les maitres mots ici. Un professionnel ne peut répondre aux accusations faites sur la toile ou dans les médias car il violerait inéluctablement le secret professionnel. Consciemment ou pas, l’usager lui tend un piège –chiche répondez- et attend avec impatience la faute.
A défaut de réponse selon les mêmes formes, les seules options sont malheureusement judiciaires. Pour mémoire, rappelons que le Code pénal sanctionne la diffamation, qu’il réprime la dénonciation calomnieuse, que toute personne subissant un préjudice peut réclamer civilement une réparation. Indiquons enfin que le Code pénal punit la diffusion d’images ou d’enregistrement particulièrement s’ils sont effectués à l’insu du professionnel.
Evidemment ces options répressives ne sont pas satisfaisantes dans la relation socio-éducative qu’il faudra parfois malgré tout maintenir. Une réglementation nationale ou institutionnelle ? A l’heure où rentre en vigueur l’interdiction du portable au collège, pourquoi ne pas ouvrir un débat sur l’usage du smartphone dans les lieux de soin ou d’accompagnement social ? Faut-il aller jusqu’à demander à l’usager de poser son smartphone à l’accueil pour ne pas être enregistré, filmé, photographié ? Faut-il prévoir l’inverse et permettre au professionnel d’enregistrer ou filmer l’entretien comme on le fait pour des interrogatoires en garde à vue ? Evidemment que de telles options radicales mettraient à mal une série de fondamentaux de l’accompagnement social qui repose en principe sur la relation de confiance. Réciproque. Mais force est de constater que, le plus souvent par désespoir ou sentiment d’impuissance face à des professionnels et institutions « puissants », des usagers usent de ces armes du faible que facilitent les nouvelles technologies. L’erreur pour les professionnels serait, en usant des mêmes armes, de participer à une escalade sans issue autre que le renforcement des défiances et agressions.
Pourvu que le droit ne soit pas conduit à s’en mêler…