Entretien en présence d'un tiers et secret professionnel

Une question se pose régulièrement dans les services sociaux. Un tiers peut-il accompagner un usager et assister à l'entretien avec le professionnel sans qu'il y ait risque de violation de secret professionnel ? 

Présence d'un tiers et secret professionnel

L'entretien en présence d’un tiers ne présente aucune difficulté si celui-ci est le représentant légal (parent d’un enfant mineur, tuteur ou curateur, etc…), l’avocat ou s’il s’agit d’une personne de confiance.

Le Code de l’action sociale et des familles reprend à son article L. 311-5-1 (loi du 10 décembre 2015) un principe qui existait jusqu’alors dans le Code de santé publique (loi Kouchner de mars 2002) : « lors de toute prise en charge dans un établissement ou un service social ou médico-social, il est proposé à la personne majeure accueillie de désigner, si elle ne l’a pas déjà fait, une personne de confiance dans les conditions définies au premier alinéa de l’article L. 1111-6 du code de la santé publique ». Cela ne concerne que les usagers accueillis au sens physique du terme –pris en charge- : on pense aux EPAHD mais cela ne concerne pas la polyvalence de secteur ou le RSA.

Par ailleurs, dans le champ de la protection de l’enfance une disposition prévoit expressément les échanges en présence d’un tiers. Selon l’article L223-1 du même code toute personne qui demande une prestation d’aide sociale à l’enfance « peut être accompagnée de la personne de son choix, représentant ou non une association, dans ses démarches auprès du service. Néanmoins, celui-ci a la possibilité de proposer également un entretien individuel dans l'intérêt du demandeur ». Il conviendra d’informer la personne des risques qu’entraîne la présence d’un tiers (possible information d’éléments de la vie privée de l’usager et sa famille) afin qu’il puisse faire un choix éclairé, choix que le professionnel devra accepter.

Hors ces cas, on ne peut en principe pas échanger en présence d’un tiers. Pour répondre précisément à cette question il faudrait distinguer de quel type de tiers il s’agit :

1) S’il s’agit de tiers dans la salle d’attente d’un service la prohibition de tels échanges est totale même si les règles de confidentialité ne sont pas toujours respectées lors de pré-accueil.

2) S’il s’agit de personnes présentes au domicile lors d’une visite à domicile il convient de n’échanger qu’après avoir demandé que ces derniers se retirent.

3) Si le tiers est un traducteur non agréé, il faut distinguer s’il s’agit d’un professionnel du service ou d’un traducteur du type familial ou amical. S’il s’agit d’un professionnel qui traduit car il maîtrise la langue de l’usager il est, selon sa mission, tout autant aussi soumis au secret que ces collègues. Ce qui écarte toute difficulté juridique. S’il s’agit d’un traducteur non professionnel les choses sont ici complexes. Dans une application stricte de l’article 226.13 il ne devrait permettre que de poser des questions ou de recevoir des informations de l’usager. Mais ne devrait pas en retour en recevoir de la part des professionnels. Dans la réalité il est parfois difficile de faire autrement sous peine d’exclure certaines catégories d’usagers, et ce alors même que la vocation universelle d’un service social est d’accueillir tout le monde sans discrimination.

Les moyens pour concilier présence et confidentialité

Quelles garanties prendre alors ? L’accord écrit de l’usager limite les risques mais ne les fait pas complètement disparaître. L’ami d’un jour, le proche d’un jour peut être l’ennemi du lendemain. Personne ne peut en principe délier un professionnel du secret professionnel ni tacitement ni par écrit.

Pour multiplier les précautions on pourrait faire signer un double engagement (sur un formulaire unique) : l’autorisation de l’usager et l’engagement du tiers à respecter la confidentialité. Et du coup en l’absence de pièce d’identité il peut déclarer celle-ci dans ce document en engageant sa responsabilité s’il fait une fausse déclaration (L.441.7 du Code pénal : un an de prison et 15000 euros d’amende).

La difficulté, on l’a dit, n’est pas tant de recevoir des informations que d’en donner. On peut imaginer la remise par écrit à la personne elle-même (en indiquant bien qu’elle est destinataire de cet écrit) des éléments que le service juge utiles, charge pour elle de se faire aider à la lecture et à la compréhension par un tiers. Le propriétaire de l’information étant libre, lui, de sa diffusion rien ne pourrait être ainsi reproché au service.

Dans tous les cas, il faudra pour le professionnel être particulièrement attentif aux informations qu’il choisit de rappeler ou pas durant l’entretien en présence d’un tiers.

Christophe DAADOUCH