Polémiques autour du « secret de la confession » et des « lois de la République » : l’occasion d’une mise au point sur le secret professionnel et la connaissance d’un délit ou d’un crime

Suite à la remise du rapport « Sauvé » sur les violences sexuelles dans l’Eglise, le président de la Conférence des évêques de France a déclaré que « le secret de la confession était plus fort que les lois de la République ». Cette déclaration a suscité de nombreuses réactions portant notamment sur les usages du secret par ceux que l’on dénomme les ministres du culte (Prêtres, Evêques, Rabbins, Imams, Pasteurs). Cette controverse publique me paraît intéressante car elle vient rappeler que les ministres du culte sont soumis au secret professionnel et nous amène à revenir sur le rôle de « confident nécessaire » dévolu à ceux qui y sont astreints.

Tout d’abord, je pense important de noter la réaction immédiate des responsables politiques face à cette déclaration du président de la Conférence des évêques. Si cette déclaration n’a pas vraiment de sens en soi car elle mélange secret de la confession et secret professionnel, sans compter que la notion de « lois de la République » est un peu vague, la réaction du Ministre de l’Intérieur et d’autres responsables politiques n’en est pas moins significative d’un refus de penser la question du secret. En effet, plutôt que d’affirmer faussement et sans nuance que tout secret doit être levé en cas de connaissance de faits criminels, un pas de côté me paraît nécessaire en revenant à la notion de « confident nécessaire » (1) et au cadre légal du secret professionnel.

La notion de confident nécessaire recouvre l’idée, au fondement du secret professionnel, que des individus ont un mandat et une fonction particulière dans la société avec une mission de soins, d’assistance, d’écoute, de défense. C’est le cas des travailleurs sociaux, des professionnels de santé, des avocats, des policiers et gendarmes et donc des ministres du culte. Ces personnes sont amenées à avoir connaissance de la vie privée voire intime des individus pour mener à bien leur mission. A ce titre, le législateur à travers le Code pénal les contraint au silence sauf exceptions. Mais il s’agit de comprendre que cette obligation de se taire est liée à la nécessité publique de faire en sorte que les individus viennent consulter ces professionnels (même si les ministres du culte ne sont pas « professionnels »). Autrement dit, la légitimité des professionnels soumis au secret de se taire repose sur un contrat social au sein duquel le silence est posé comme une condition d’exercice de leur mission. Au fond, la société estime qu’elle a davantage intérêt à ne pas avoir accès aux informations détenues par les professionnels soumis au secret que d’utiliser ces informations à des fins sécuritaires à même de rompre cette confiance nécessaire.

Une fois ce principe fondamental rappelé, nous pouvons désormais nous pencher sur les obligations qui pèsent sur un professionnel soumis au secret en cas de connaissance d’un délit ou d’un crime, notamment en ce qui concerne des violences sexuelles sur mineur. Nous avons d’ores et déjà traité ce point sur le site www.secretpro.fr : https://secretpro.fr/secret-professionnel/fiches-par-theme/fraude-delit-crime/crime ou encore https://secretpro.fr/secret-professionnel/fiches-par-theme/fraude-delit-crime/delit.

Nous pouvons retenir qu’il n’existe pas d’obligation de révélation d’un délit ou même d’un crime par un professionnel soumis au secret mais une obligation d’agir en cas de danger. Cette distinction absente des débats publics est essentielle à comprendre pour deux raisons :

  • C’est le danger que représente la situation qu’il convient d’évaluer et non la qualification pénale des actes. Le confident doit donc évaluer la situation de danger et la meilleure manière d’agir face à celui-ci. C’est bien là la condition nécessaire pour qu’il puisse exercer auprès de tout public que celui-ci ait commis des actes illégaux ou non. Nous comprenons donc que cela n’engage pas la même chose si un professionnel reçoit la confidence d’un mineur de moins de 15 ans quant à une agression sexuelle selon s’il est en lien régulier avec son agresseur ou non et l’ancienneté des faits. Chaque situation doit être pensé singulièrement afin que les victimes puissent avoir des lieux ou dire leur vécu et être accompagnées dans un cadre garant de leur intégrité et de leur protection.
  • Le signalement de mineur en danger (article 226-14 du Code pénal) est une possibilité et non une obligation. En effet, il existe plusieurs manières d’agir face au danger potentiel ou avéré. Si le signalement est une manière de déclencher une intervention judiciaire et une protection, il est à penser dans la manière d’associer la victime à cet acte et dans le temps. Intervient-il immédiatement ou prend-on d’abord le temps de préparer la victime à tout ce qui va suivre ce signalement (auditions, expertise médicale, etc.).

Nous comprenons donc à travers la notion de confident nécessaire et ce que prévoit le Droit en termes de possibilités de signalements de situations de danger, que le secret professionnel est à considérer comme une frontière nécessaire à l’exercice d’une mission qu’elle soit d’aide, de soin, d’assistance ou de défense. Cette frontière se situe également dans la distinction essentielle entre ce qui constitue un danger pour un mineur ou un majeur vulnérable et l’illégalité des actes posés.   

J’espère que ces quelques éclaircissements permettront de sortir d’un raisonnement binaire et dangereux au sein duquel celui qui rappellerait l’importance du secret professionnel dans un Etat de Droit serait automatiquement accusé de défendre des criminels.

Antoine GUILLET

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