Les propos de Laurent Wauquiez lors d’un cours donné à l’Ecole de Management de Lyon ont été enregistrés et diffusés par l’émission Quotidien (TMC) le 16 février. Ils nous apprennent deux choses importantes concernant le secret, deux leçons qui s’appliquent au secret professionnel et que les professionnels peuvent identifier dans leur quotidien.
Le secret sert à éviter le « bullshit »
D’emblée, Laurent Wauquiez avertit son auditoire : «Si j'ai la moindre interface qui sort par le moindre élève, là pour le coup ça se passera très mal (...) il faut que tout ce que je dise reste entre nous», «Sinon ce que je peux vous sortir, ce sera juste du bullshit des plateaux médiatiques».
« Bullshit », que l’on peut traduire par « foutaise », c’est donc ce que racontera Laurent Wauquiez aux étudiants s’il n’a pas la garantie que ce qu’il dit restera secret.
C’est là un point important dans la relation entre le public et les professionnels soumis au secret. Si je n’ai pas la garantie que mon interlocuteur gardera secrète une information sensible dont je souhaite lui parler, alors je vais lui raconter une histoire qui ne sera pas vraie. J’omettrai certains aspects, je modifierai la présentation d’autres. C’est un réflexe normal. Je ne prends le risque de parler que lorsque je suis assez en sécurité pour le faire.
Le public du travail social et médico-social a besoin d’être en sécurité pour avoir suffisamment confiance et parler aux professionnels de leur situation réelle, pas d’une situation partiellement ou totalement fictive. C’est à ça que sert le secret, comme je l’expliquai dans un précédent article (Comment, en travail social, le secret professionnel permet la confiance)
Quand on confie un secret à une assemblée, il ne peut le rester
Deuxième enseignement que nous offre Laurent Wauquiez, c’est que lorsque un secret est confié à une assemblée de 40 personnes, on peut demander à ce que « ça ne sorte pas », il est impossible que cela ne sorte pas. On retrouve ce même genre d’illusion dans les fonctionnements institutionnels, que ce soit concernant la situation d’un usager ou que cela concerne le fonctionnement institutionnel.
Lorsque l’on dit que c’est secret devant un groupe de quelques personnes, on peut être certains que la diffusion à un cercle plus large n’est qu’une question de jours. Si c’est du croustillant ou du sensible, c’est une affaire d’heures.
Garder l’esprit du secret professionnel quand bien même on partage des informations à caractère secret, cela nécessite de toujours restreindre aux seuls professionnels directement concernés les informations qui sont partagées. Ce n’est pas toujours le cas, chacun pourra le constater autour de lui ou dans sa pratique.
Voici donc deux points que l’affaire Wauquiez permet de souligner. Certes, les étudiants ne sont pas soumis au secret professionnel. Aucun ne s’est engagé officiellement à respecter l’injonction menaçante de Laurent Wauquiez. Leur situation n’est pas comparable avec celle des professionnels soumis au secret. Mais il y a des similitudes dans leur comportement et celui que l’on retrouve parfois de professionnels soumis au secret.
Je me demande s’il n’y a pas une troisième leçon à en retenir : annoncer que ce que l’on dit est secret attire l’attention, donne un caractère sensible à vos propos et… aiguise l’envie de le répéter. Exiger l’engagement de tenir le secret permet donc parfois de renforcer la probabilité de sa diffusion. Encore un paradoxe autour du secret !
Laurent Puech
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