C’est une histoire comme il en existe probablement tant d’autres. Celle-ci a été portée à notre connaissance du fait de nos engagements sur le secret professionnel et sur les questions de droit à l’oubli.
C’est l’histoire d’un éducateur de la PJJ de plus d’une trentaine d’années qui y exerce depuis plus de 5 ans, d’abord comme contractuel puis en tant que titulaire. Personne n’a eu à se plaindre de ses qualités professionnelles : elles semblent bien établies tant par sa hiérarchie que par ses collègues. Oui mais… A son adolescence, il a fait l’objet d’un suivi éducatif dans le cadre d’un contrôle judiciaire et d’une liberté surveillée préjudicielle. Finalement un non-lieu sera rendu par le magistrat, le mettant hors de cause. Il prépara par la suite le concours de la PJJ par voie de concours externe. Après tout on ne compte pas les jeunes ayant découvert le travail éducatif de l’intérieur (ASE ou PJJ) qui ont décidé de passer de l’autre côté, considérant pouvoir amener une expérience particulière.
Cette histoire, somme toute banale, pourrait s’arrêter là.
Malheureusement, depuis des années cet éducateur subit des freins, d’abord à sa contractualisation, puis à sa titularisation et enfin à son choix d’affectation par une cadre PJJ qui a été son éducatrice jadis et considère que sa place n’est pas à la PJJ. Et elle l’a fait savoir à qui veut l’entendre. Et ils sont nombreux à l’avoir entendue maugréer sur sa nomination puis son affectation. Elle pourrait tirer quelque gloriole d’avoir finalement créé des vocations professionnelles. Mais non ! Il faut que tout le monde dans son service et au sein de sa direction territoriale connaisse les « antécédents » pénaux de cet éducateur. Des antécédents qui, rappelons-le, n’ont donné lieu à aucune condamnation. Quand bien même d’ailleurs : différents fichiers sont vérifiés aujourd’hui avant toute embauche à la PJJ pour s’assurer de la « moralité » du postulant. De telles pratiques sont en violation manifeste du secret professionnel auquel les professionnels de la PJJ sont soumis (L.241. du Code de la Justice Pénale des Mineurs). Des poursuites pénales sont d’ailleurs engagées par l’intéressé et nous les soutenons. Disciplinairement, à notre connaissance, aucune sanction n’a été prononcée à l’égard de la contrevenante. Il était même possible pour l'administration de signaler cette infraction délictuelle en vertu du fameux article 40 du Code de Procédure Pénale...
Ce n’est pas la première fois que de telles situations nous sont signalées. On pense au cas d’un éducateur qui a largement diffusé le fait que le fils d’un magistrat connu localement était suivi par la PJJ. On pense à la situation d’une éducatrice qui apprend qu’une de ses collègues qui avait travaillé en milieu pénitentiaire racontait partout que son fils –largement majeur- était actuellement incarcéré. On pense plus récemment au fait qu'une équipe de professionnels ait fait remonter à un directeur territorial le fait que sa fille fréquentait un jeune suivi par eux pour infractions sexuelles.
Derrière le non-respect de la loi se pose évidemment une question éthique pas moins centrale de droit à l’oubli en principe constitutif du travail à la PJJ. Comment exercer au sein de cette institution sans la conviction profonde qu’on ne peut résumer une personne à une difficulté éducative ancienne de 19 ans ? Comment défendre l’importance du travail éducatif si l’on considère que les personnes n’évoluent pas ?