Une nouvelle forme de partage d’informations en matière de perte d’autonomie

La loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement légalise une nouvelle forme de partage d’informations confidentielles dans le cadre du vieillissement et de la perte d’autonomie.

Il faut dire que l’accompagnement global des personnes âgées a posé très tôt la question du partage d’informations entre divers intervenants sociaux, médicaux et aidants à domicile en particulier dans le cadre des dispositifs relatifs à la gérontologie. En l’absence de lois définissant le partage d’informations de nombreuses chartes de partage d’informations ont d’ailleurs été élaborées particulièrement dans la foulée de la création des centres locaux d’information et de coordination (CLIC) (1) .

Dans une même logique de coordination des acteurs le plan Alzheimer 2008-2012 s’est traduit par la mise en place des MAIA (maison pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer), chargées d’orienter, d’accueillir et d’offrir à toute personne âgée en perte d’autonomie la meilleure prestation en cohérence avec les dispositifs existants (guichets d’accueil, de conseil et d’orientation « CLIC », réseau de santé, hôpital…).

La loi du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011 a légalisé cette méthode en l’insérant au Code de l’action sociale et des familles (art 113-3) et en l’étendant, non seulement aux malades d’Alzheimer, mais aussi à toutes les personnes âgées en perte d’autonomie.

Dans le prolongement un décret du 2 décembre 2013 a marqué un tournant important en définissant dans un cadre expérimental les modalités de transmission d'informations entre les professionnels participant à la prise en charge sanitaire, médico-sociale et sociale des personnes âgées en risque de perte d'autonomie au sein des MAIA. Par ce texte, étaient ainsi autorisés à partager les professionnels de santé (médecins, infirmiers, auxiliaires médicaux, etc…), les équipes de soins des établissements de santé et les professionnels de santé des établissements sociaux et médico-sociaux, les professionnels et organismes des services de soins, d'aide et d'accompagnement à domicile ainsi que les assistants de service social.

Ce partage restait toutefois conditionné par la signature d’une charte précisant, dans le respect des codes de déontologie des professions qui en sont dotées, les principes éthiques, déontologiques et de confidentialité afférents à la prise en charge des personnes âgées en risque de perte d'autonomie. Enfin ce partage supposait le consentement exprès et éclairé de la personne âgée en risque de perte d'autonomie, de son représentant légal ou d’une personne de confiance. Il portait sur la liste nominative des professionnels autorisés à échanger et sur l’ensemble des informations pouvant être communiqués.

La nouvelle loi soumet au secret professionnel et légalise le partage d'informations au sein des MAIA 

La loi qui vient d’être votée vise à légaliser le partage d’informations au sein des MAIA (le mot Méthode remplace Maison) de manière toutefois moins encadrée que le décret précité ne l’avait posé.

Dans un premier temps l’article 113.3 du Code de l’action sociale et des familles prévoit que « les professionnels prenant en charge une personne âgée dans le cadre de la méthode mentionnée au I [MAIA] sont tenus au secret professionnel, dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal ».

Pour ensuite prévoir la possibilité de partager : «toutefois, ils peuvent échanger des informations relatives à une même personne prise en charge, dans les conditions prévues à l’article L. 1110-4 du code de la santé publique. Lorsqu’ils comptent parmi eux au moins un professionnel de santé, ils sont considérés comme constituant une équipe de soins, au sens de l’article L. 1110-12 du même code ».

La nouvelle loi renvoie au partage d'informations pour les professionnels du médical

Par ce jeu de renvoi le partage est donc aligné sur la loi Kouchner de mars 2002 et les règles régissant le statut des malades.

Pour mémoire l’article L.1110.4 prévoit deux hypothèses :

«-deux ou plusieurs professionnels de santé peuvent toutefois, sauf opposition de la personne dûment avertie, échanger des informations relatives à une même personne prise en charge, afin d'assurer la continuité des soins ou de déterminer la meilleure prise en charge sanitaire possible.

-Lorsque la personne est prise en charge par une équipe de soins dans un établissement de santé, les informations la concernant sont réputées confiées par le malade à l'ensemble de l'équipe ».

Du coup si l’équipe de la MAIA comprend un professionnel de santé (médecin, infirmier…), le partage d’informations est légalisé sans que l’expression de la volonté de la personne ne soit nécessaire. A contrario, en l’absence d’un tel professionnel, il faudra que la personne âgée soit avisée des destinataires des informations, de la nature de celles-ci et qu’elle ne se soit pas opposée au partage.

Sur un autre point cette récente loi s’aligne sur le Code de santé publique en étendant à la prise en charge des personnes âgées la notion de personne de confiance tirée de la loi Kouchner.

Il faut dire que les départements étaient confrontés à la difficulté d’échanger avec un usager en perte d’autonomie lorsque celui-ci n’avait pas de mesures de protection (tutelle, curatelle). Assurer son accompagnement social et administratif suppose de collecter des informations auprès de sa famille mais aussi de leur en donner. Le secret professionnel auquel certains des professionnels sont soumis pouvait poser ici des difficultés. De nombreux départements avaient créé la notion de référent familial : c’est celui qui remplissait le formulaire d’APA et servait d’interlocuteur aux services dédiés. Mais ce référent dépourvu de base légale montrait ses limites. Echanger avec lui c’était bien souvent violer le secret professionnel, quand bien même cela se justifiait par l’intérêt de la personne.

La loi légalise le partage d'informations avec la "personne de confiance"

La loi légalise en quelque sorte ce type de référent en utilisant le terme de personne de confiance. Il faut dire que le terme de référent renvoie en général au professionnel coordonnateur alors qu’il visait là un proche de l’usager.

L’article L. 311-5-1 du CASF prévoit désormais : « lors de toute prise en charge dans un établissement ou un service social ou médico-social, il est proposé à la personne majeure accueillie de désigner, si elle ne l’a pas déjà fait, une personne de confiance dans les conditions définies au premier alinéa de l’article L. 1111-6 du code de la santé publique (2). Cette désignation est valable sans limitation de durée, à moins que la personne n’en dispose autrement ».

Lors de cette désignation, la personne accueillie peut indiquer expressément «que cette personne de confiance exerce également les missions de la personne de confiance mentionnée audit article L. 1111-6, selon les modalités précisées par le même code ». Elle pourra donc lui donner un pouvoir dans le champ médical afin que la personne de confiance l'accompagne « dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l'aider dans ses décisions » médicales.

Pour le reste « la personne de confiance est consultée au cas où la personne intéressée rencontre des difficultés dans la connaissance et la compréhension de ses droits ». C’est d’ailleurs elle qui pourra consentir « aux échanges d’information ou s’y opposer lorsque la personne concernée est hors d’état de le faire » dans les conditions précitées.

Enfin, lorsqu’une mesure de protection judiciaire est prononcée par la suite de la désignation d’une personne de confiance, le conseil de famille, le cas échéant, ou le juge peut soit confirmer sa mission, soit la révoquer.

Christophe DAADOUCH

 

Notes :

(1) Circulaire DGAS/AVIE/2 C n° 2001-224 du 18 mai 2001 relative aux centres locaux d'information et de coordination (CLIC).

(2) Cette désignation est faite par écrit. Elle est révocable à tout moment.