A chaque fait dramatique mettant en cause d’anciens bénéficiaires d’aides sociales les services qui les ont accompagnés subissent une rare pression médiatique. On se souvient de celle qu’a ainsi subie la PJJ au moment de l’affaire Chambon sur Lignon lorsqu’un jeune suivi par cette institution a violé et tué une jeune fille dans un établissement scolaire. De la même manière forte fut la pression médiatique et politique sur le secret médical lorsqu’un malade suivi en psychiatrie égorgea une infirmière de son établissement à Pau.
Les récents événements autour de la tuerie de Charlie Hebdo n’ont pas échappé à cette règle. Les deux frères Kouachi ayant été suivi par l’aide sociale à l’enfance il fallait donc connaître leur histoire par le menu. Et ce fut fait grâce à Patrick Fournier chef de service éducatif à Treignac en Corrèze qui pris la peine de répondre à une longue interview sur BFM Tv le 9 janvier. Le même jour il intervenait également sur France 3. Sans parler de la presse écrite comme la Montagne. Il y évoquait sans hésitation les conditions de leurs prises en charge, leurs difficultés, le décès de leur mère malade, leurs résultats scolaires, leur prolongation jeune majeur etc… Il n’en demeure pas moins que toute personne participant aux missions de l’aide sociale à l’enfance est assujettie au secret professionnel en application de l’article 221.6 du Code de l’action sociale et des familles. Et ne peut en être délié que dans des conditions très limitées dans lesquelles ne figurent pas la pression médiatique.
Evidemment, et l’enfer est pavé de bonnes intentions, le chef de service en question voulait certainement par la bienveillance de ses propos ré-humaniser les auteurs et témoigner de leur parcours chaotiques. Mais la violation du secret professionnel sanctionne l’intention de braver la loi, que cette intention soit louable ou marquée par la volonté de nuire. On se souvient du Dr Gubler qui pour justifier son livre sur la prostate de Mitterrand prétendait devant les juges vouloir montrer le courage du chef d’état de mener à terme son mandat avec un tel traitement. Il fut fort justement sanctionné. Evidemment en appeler au respect de la loi à l’égard de criminels peut sembler une curieuse démarche. Mais le secret professionnel, et derrière lui le respect de la vie privée, sont des principes intangibles, non modulables, selon l’identité des personnes en cause. Qu’ils soient forts ou faibles, auteurs ou victimes, vivants ou morts.
Christophe Daadouch, juriste et formateur
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