
A chaque dramatique fait divers mettant en cause un jeune qui a eu un parcours de protection de l’enfance ou un parcours pénal les différents médias sont à l’affut d’informations concernant ces auteurs.
La semaine dernière l’assassinat à Marseille d’un chauffeur de VTC n’a pas échappé à cette règle puisque le mis en cause est un mineur de 14 ans ayant un lourd parcours de protection de l’enfance. Sur RTL, le 16 octobre, une éducatrice de la PJJ s’est sentie autorisée à raconter en 4 minutes 20 le détail de la situation familiale, de l’accompagnement dont ce jeune a pu bénéficier et même les conditions actuelles de sa prise en charge, alternant les certitudes et les conditionnels. Le tout avec en arrière fond sonore des bruits de verre et des rigolades, ambiance PMU du coin !
Certes le nom de ce jeune n’a pas été donné, moindre mal dirait-on, mais ceux qui l’accompagnent aujourd’hui ou le côtoient auront donc ainsi de nombreuses informations. Même si l’interview ne le précise pas, le site de la radio indique au détour que l’éducatrice est secrétaire régional d’un syndicat de la PJJ. Cela l’autorise-t-elle pour autant à une atteinte aussi conséquente à la vie privée ? Qu’un représentant syndical s’exprime sur les conditions de travail ou les limites de son intervention en général est nécessaire. Surtout dans le contexte actuel qui a abouti à des centaines de suppression de poste à la PJJ ces derniers mois. Qu’il s’exprime sur le chiffre record de mineurs actuellement incarcéré est plus que jamais indispensable. Mais évidemment cela n’intéresse personne. La radio ne s’y est pas trompée. Pour annoncer l’interview le bandeau précise bien : « une éducatrice de la PJJ nous raconte l’itinéraire de l’ado de 14 ans ». Comme nous l’indiquions à l’occasion d’un précédent article à propos du directeur de la MECS qui avait accueilli les frères Kouachi la violation du secret est constituée dès que l’intention est là, peu importe qu’elle soit bonne ou pas. Cette éducatrice n’entendait certes pas nuire à ce jeune mais plutôt donner une autre image que celle d’un criminel de sang-froid. Dans un rapport éducatif –dont l’avocat pourra se servir- ou lors d’une audition, certains extraits de cette intervention pourraient être nécessaires mais le sont-ils sur RTL ?
L’impact pour le grand public est évidemment impossible à mesurer. Certains y verront un appel à la mansuétude quand d’autres auront la confirmation de l’inefficacité du travail éducatif –elle dit d’ailleurs « qu’est-ce qu’on va en faire ?!»-, pis de la dangerosité de tous les gamins qui ont des parcours abandonniques. Pour nous elle n’est que l’illustration qu’il y a encore du travail de sensibilisation, de formation sur ce qu’est le secret professionnel.
Christophe DAADOUCH