Loi Santé : les apports des décrets n° 2016-994 et 2016-996 du 20 juillet 2016

Les deux décrets du 20 juillet 2016 viennent compléter et préciser l'article L1110-4 du code de la santé publique sur plusieurs points : information de la personne prise en charge, professionnels concernés par les possibilités de partage d’informations, établissements et services concernés.

Durant l’été sont parus deux décrets consécutifs et prévus par la loi Santé du 20 janvier 2016, pour laquelle nous avons exprimé nos réserves quant à la modification de l’article L1110-4 du code de la santé publique. Nous en présentons ici les points-clés.

Décret n° 2016-994 : règles du partage et professionnels concernés.

Le Décret n° 2016-994 du 20 juillet 2016 précise les conditions d'échange et de partage d'informations entre professionnels de santé et autres professionnels des champs social et médico-social et l'accès aux informations de santé à caractère personnel.

Il créé l’article R 1110-1 du code de la santé publique qui prévoit une double limite encadrant les informations pouvant (sans caractère obligatoire) être partagées ou échangées. Ces informations sont définies comme celles étant « strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins, à la prévention, ou au suivi médico-social et social de ladite personne ». Les professionnels partageant leurs informations doivent rester « dans le périmètre de leur mission ».

Il crée ensuite l’article R 1110-2 du code de la santé publique fixant une liste des professionnels « susceptibles » d’échanger ou partager des informations relatives à la même personne prise en charge. Il définit ainsi deux catégories distinctes. D’un côté, tous les professionnels de santé  mentionnés dans la quatrième partie du code de la santé publique. De l’autre, les professionnels relevant des catégories suivantes

a) Assistants de service social mentionnés à l'article L. 411-1 du code de l'action sociale et des familles ;

b) Ostéopathes, chiropracteurs, psychologues et psychothérapeutes non professionnels de santé par ailleurs, aides médico-psychologiques et accompagnants éducatifs et sociaux ;

c) Assistants maternels et assistants familiaux mentionnés au titre II du livre IV du code de l'action sociale et des familles ;

d) Educateurs et aides familiaux, personnels pédagogiques occasionnels des accueils collectifs de mineurs, permanents des lieux de vie mentionnés au titre III du livre IV du même code ;

e) Particuliers accueillant des personnes âgées ou handicapées mentionnés au titre IV du livre IV du même code ;

f) Mandataires judiciaires à la protection des majeurs et délégués aux prestations familiales mentionnés au titre VII du livre IV du même code ;

g) Non-professionnels de santé salariés des établissements et services et lieux de vie et d'accueil mentionnés aux articles L. 312-1, L. 321-1 et L. 322-1 du même code, ou y exerçant à titre libéral en vertu d'une convention ;

h) Non-professionnels de santé mettant en œuvre la méthode prévue à l'article L. 113-3 du même code pour la prise en charge d'une personne âgée en perte d'autonomie ;

i) Non-professionnels de santé membres de l'équipe médico-sociale compétente pour l'instruction des demandes d'allocation personnalisée d'autonomie mentionnée aux articles L. 232-3 et L. 232-6 du même code, ou contribuant à cette instruction en vertu d'une convention.

Cela posé, la circulation des informations entre ces deux catégories (Professionnels de santé/Autres), même au sein d’un établissement, doit obéir à des règles précisées par l’article R1110-3 du code de la santé publique.

Rappelons que la loi précitée prévoit qu’un professionnel peut échanger avec un ou plusieurs professionnels identifiés des informations relatives à une même personne prise en charge, à condition qu'ils participent tous à sa prise en charge et que ces informations soient strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins, à la prévention ou à son suivi médico-social et social. 

Elle distingue alors deux types de partage : entre professionnels appartenant à une même équipe de soins et ceux entre des professionnels ne faisant pas partie de la même équipe de soins. 

1) S’ils ne sont pas membres d’une même équipe de soins, la personne concernée doit être préalablement informée cumulativement :

-de la nature des informations devant faire l'objet de l'échange,

-de l'identité du destinataire et de la catégorie dont il relève, soit de sa qualité au sein d'une structure précisément définie.

Alors que la loi prévoit le recueil de consentement de l’usager, dans cette hypothèse, le décret s’appuie sur un système d’information préalable mais n’évoque pas la possibilité de refuser.

2) S’ils sont membres d’une même équipe de soins, la personne doit également être préalablement informée. En ce sens le décret va ici plus loin que la loi qui prévoit que ces informations sont réputées confiées par la personne à l'ensemble de l'équipe et n’évoque pas d’informations préalables. 

Le partage doit ici s’appuyer sur les recommandations élaborées par la Haute Autorité de santé avec le concours des ordres professionnels, en particulier pour ce qui concerne les catégories d'informations qui leur sont accessibles. Notons toutefois que ces recommandations ne sont pas précisément référencées et nous n’avons pu les retrouver.

En creux, notons que les échanges entre professionnels d’une même catégorie, professionnels de santé/professionnels de santé  ou Autres (AS, psychologues etc…)/autres, ne prévoient par contre aucune information.

Enfin (R1110-3 III), les seuls cas où le professionnel est dispensé de l’obligation d’une information préalable relèvent d’un état de santé de la personne qui ne le permettrait pas. Par contre, dès le retour de la personne à un état le permettant, l’information sur les échanges qui ont eu lieu doit être faite. Cette information a-posteriori devra d’ailleurs être indiquée dans le dossier médical.

Le décret insiste donc sur la question de l’information préalable de la personne comme impératif majeur des circulations possibles d’informations sur la personne.

Décret no 2016-996 : Structures concernées et équipes de soins

Le Décret no 2016-996 du 20 juillet 2016 fixe lui la liste des structures de coopération, d'exercice partagé ou de coordination sanitaire ou médico-sociale dans lesquelles peuvent exercer les membres d'une équipe de soins.  Ce décret délimite le périmètre les structures de coopération composées par des équipes de soins indiqué dans le 1° de l’article L. 1110-12 du code de la santé publique.  Ainsi, tous les établissements relevant du 312-1 du code de l’action sociale et des familles sont concernés par la notion d'"équipe de soins" ainsi que les structures de coopération qui (relevant ou pas du 312-1 du CASF) entrent dans une des catégories précisées ci-après :

Les structures de coopération, d'exercice partagé ou de coordination sanitaire ou médico-sociale mentionnées au 1º de l'article L. 1110-12 sont les suivantes :

1º  Les groupements hospitaliers de territoire ;

2º  Les fédérations médicales inter-hospitalières ;

3º  Lorsqu'ils ont pour objet la prise en charge médicale coordonnée de personnes, les groupements de coopération sanitaire et les groupements de coopération sociaux et médico-sociaux, ainsi que les groupements d'intérêt public et les groupements d'intérêt économique ;

4º  Les maisons et les centres de santé ;

5º  Les sociétés d'exercice libéral et toute autre personne morale associant des professionnels de santé libéraux, lorsqu'elles ont pour objet la prise en charge médicale coordonnée de personnes ;

6º  Les organisations mises en œuvre dans le cadre des protocoles de coopération prévus aux articles L. 4011-1 à L. 4011-3 ;

7º  Les plateformes territoriales d'appui mentionnées à l'article L. 6327-2 ;

8º  Les réseaux de santé mentionnés aux articles L. 6321-1 et L. 6321-2 ;

9º  Les coordinations territoriales mises en œuvre en application de l'article 48 de la loi no 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 ;

10º  Les équipes pluridisciplinaires prévues à l'article L. 146-8 du code de l'action sociale et des familles et les équipes médico-sociales intervenant au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie prévue à l'article L. 232-6 du même code. »

Il y a donc ici une restriction claire des structures concernées par rapport à l’affirmation du 1° du L110-12 du code de la santé publique.

Pour aller plus loin :

L'article L1110-4, le risque pénal et les catégories d'informations à partager

Article L1110-4 du code de la santé publique commenté