Maltraitance au sein des établissements sociaux et médicosociaux et levée du secret : derniers développements

Si ce site défend le secret professionnel il n’en demeure pas moins soucieux de l’exigence de bientraitance sur les usagers. Trop longtemps au nom du souci de « laver le linge sale en famille » on ne l’a tout simplement … pas lavé. Il ne fallait pas porter atteinte à la notoriété d’une institution. Et tant pis si cela se faisait au détriment d’une poignée d’usagers ! On se souvient ainsi à la fin des années 90 de l’association Cheval pour tous ou plus récemment de l’Ecole en bateau.

Ce n’est qu’à partir de 1998 que les pouvoirs publics, par le biais de circulaires ou d’instructions ministérielles, ont imposé des obligations aux institutions sociales et médico-sociales, au personnel de direction en particulier. Et, depuis 2007, à faire remonter tout évènement indésirable aux autorités administratives de contrôle et de tarification relevant de l’Etat (aujourd’hui ARS et DDCS).     

Des professionnels qui avaient eu le courage ou la décence de signaler de tels faits –ce qu’on appellerait aujourd’hui des lanceurs d’alerte- ont eu à en subir les conséquences et n’étaient juridiquement pas protégés.

Un premier tournant important fut apporté par l’article 48 de la loi de janvier 2002 rénovant l’action sociale. L’article 48 de la loi introduit un nouvel article L. 313-24 ainsi rédigé : « Dans les établissements et services mentionnés à l’article L. 312-1, le fait qu’un salarié ou un agent a témoigné de mauvais traitements ou privations infligés à une personne accueillie ou relaté de tels agissements ne peut être pris en considération pour décider de mesures défavorables le concernant en matière d’embauche, de rémunération, de formation, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement du contrat de travail, ou pour décider la résiliation du contrat de travail ou une sanction disciplinaire. En cas de licenciement, le juge peut prononcer la réintégration du salarié concerné si celui-ci le demande. »

Est donc créée une immunité disciplinaire (emploi, carrière professionnelle) pour celui qui, quand bien même est-il soumis à une exigence de discrétion professionnelle, dénonce de tels faits. Bien que protégés juridiquement, les professionnels se sentent parfois contraints de démissionner après avoir outrepassé leur hiérarchie, inactive ou complice. Certains d’entre eux décident d’engager une action devant le conseil des prud’hommes, de façon à faire requalifier leur démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les tribunaux abondent souvent dans leur sens, leur permettant de percevoir une indemnisation, voire même une réintégration s’ils le souhaitent. Mais à quel prix ?!     

Au demeurant, les fonctionnaires amenés à signaler des situations de mauvais traitement du fait de leurs missions sont protégés au titre de l’article 11 de la loi n° 83-634 du 11 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

Inspirée de la même loi 2002-2 de nombreuses recommandations de l’ANESM ont ainsi invité à questionner la bientraitance des établissements.

Pour autant en 2013 des révélations de faits graves dans un IME du Gers ont conduit le ministère de la Santé à déposer plainte. Et publier dans l’urgence une circulaire du 20 février 2014 relative au renforcement de la lutte contre la maltraitance et au développement de la bientraitance des personnes âgées et des personnes handicapées dans les établissements et services médico-sociaux relevant de la compétence des ARS. 

De récentes lois tendent à réaffirmer ces exigences et à obliger à signaler de tels faits. Ces obligations sont enfin imposées par une loi et non simplement par un texte adopté par le ministère des affaires sociales et de la santé.

I La loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement.

L’article L.331.8.1 du code de l’action sociale modifié par la loi du 28 décembre 2015 stipule : 

« Les établissements et services et les lieux de vie et d'accueil informent sans délai, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les autorités administratives compétentes pour leur délivrer l'autorisation prévue à l'article L. 313-1 ou pour recevoir leur déclaration en application des articles L. 321-1 et L. 322-1 de tout dysfonctionnement grave dans leur gestion ou leur organisation susceptible d'affecter la prise en charge des usagers, leur accompagnement ou le respect de leurs droits et de tout évènement ayant pour effet de menacer ou de compromettre la santé, la sécurité ou le bien-être physique ou moral des personnes prises en charge ou accompagnées ». 

Cette obligation institutionnelle de signaler aux autorités administratives chargées de la délivrance des autorisations des établissements n’est évidemment pas exclusive des signalements individuelles aux autorités judiciaires (cf 226.14, 434.1 et 434.3 du Code pénal). Les établissements ou services relevant du conseil départemental sont donc aussi visés par ce texte et c’est là une nouveauté.

Marquant un tournant, cet article L. 331-8-1 fourni la première définition légale des situations de maltraitance des usagers des établissements sociaux et médico-sociaux. Elle permet de mieux « prendre en compte l’origine institutionnelle de la maltraitance et élargit donc aux institutions les obligations de signalement des actes de violence, ou de négligence, déjà applicables au plan individuel, en vertu du droit commun » (rapport parlementaire).

Les cas de la maltraitance d’origine institutionnelle

Outre les violences individuelles qui imposent le signalement dans les conditions du droit commun, l’écriture de l’article permet de prendre en compte des situations de maltraitance d’origine plus diffuse dues à l’organisation d’un service (défaut d’organisation des services, négligences professionnelles, délaissements face à la douleur, absence de prise en compte des risques psycho-sociaux subis par les personnels des établissements).

C’est ainsi que doit être compris la dénonciation de « tout dysfonctionnement grave dans la gestion ou l’organisation susceptible d’affecter la prise en charge des usagers ou le respect de leurs droits ».

Les autres formes de maltraitance

La deuxième partie de la phrase entend prendre en compte « tout événement ayant pour effet de menacer ou compromettre la santé, la sécurité ou le bien-être physique ou moral des personnes prises en charge ». En ce sens cette expression recoupe tant des dérives organisationnelles que des actions individuelles.

Les établissements visés

Est ici visé l’ensemble des services et établissements sociaux et médico-sociaux soumis à un régime d’autorisation « prévue à l’article L. 313-1 » du code de l’action sociale et des familles. Sont indistinctement visés des établissements relevant  du directeur général de l’agence régionale de santé (ARS), du président du conseil départemental ou du préfet de région. 

L’obligation de signalement s’applique également aux « lieux de vie et d’accueil » qui peuvent être assujettis non pas à un système d’autorisation mais à une simple déclaration au  président du conseil départemental ou au préfet.

Les suites du signalement

Les responsables de ces différentes structures sont tenus d’effectuer le signalement « sans délai » aux autorités compétentes pour leur délivrer l’autorisation de fonctionnement ou recevoir leur déclaration. Cela permettra aux autorités de contrôle de saisir le procureur de la République de faits susceptibles d’avoir une qualification pénale. Cela leur permet plus largement aux termes de l’article 313-13 du code de l’action sociale et des familles de diligenter des contrôles, préventif ou inopiné, ainsi que des inspections. Elles disposent à cet effet des moyens d’inspection et de contrôle de l’ARS.

Elles peuvent demander l’ouverture d’un contrôle afin « d’apprécier l’état de santé, la sécurité, l’intégrité ou le bien-être physique ou moral des bénéficiaires accueillis ». S’ils « sont menacés ou compromis par les conditions d’installation, d’organisation ou de fonctionnement de l’établissement », l’article L. 331-5 prévoit que l’autorité compétente doit préalablement formuler des injonctions administratives aux responsables de la structure afin de « remédier aux insuffisances, inconvénients ou abus dans le délai qu’il leur fixe à cet effet ».

Aux termes de ce délai, l’absence de suivi des injonctions est sanctionnée par la fermeture totale ou partielle, définitive ou provisoire de la structure. En cas d’urgence ou refus de soumission du gestionnaire au contrôle, la fermeture immédiate et à titre provisoire est prononcée sans injonction par arrêté motivé.

Outre ces réponses coercitives, de tels faits peuvent (doivent) permettre de mettre en œuvre un plan de lutte contre la maltraitance, la mise en place de bonnes pratiques que les évaluations permettront d’affiner.

Le décret n° 2016-1813 du 21 décembre 2016 relatif à l'obligation de signalement des structures sociales et médico-sociales 

Pris pour l'application de loi précitée, ce décret est entré en vigueur au 1er janvier 2017. 

Il entend en particulier définir la procédure de signalement : 

- Le directeur de l'établissement, du service, transmet à l'autorité administrative compétente, sans délai et par tout moyen, les informations concernant les dysfonctionnements graves et événements. Lorsque l'information a été transmise oralement, elle est confirmée dans les 48 heures par messagerie électronique ou, à défaut, par courrier postal. 

- Cette transmission est effectuée selon un formulaire pris par un arrêté ministériel (cf supra) 

- L'information transmise ne contient aucune donnée nominative et garantit par son contenu l'anonymat des personnes accueillies et du personnel. 

Il rappelle que ce signalement n’est pas exclusif de celui fait à l’autorité judiciaire. 

- Enfin le décret précise que le conseil de la vie sociale de l'établissement, du service, du lieu de vie ou du lieu d'accueil concerné ou, à défaut, les groupes d'expression prévus sont avisés des dysfonctionnements et des événements mentionnés à l'article L. 331-8-1 qui affectent l'organisation ou le fonctionnement de la structure. Le directeur de l'établissement, du service, du lieu de vie ou du lieu d'accueil ou, à défaut, le responsable de la structure communique à ces instances la nature du dysfonctionnement ou de l'événement ainsi que, le cas échéant, les dispositions prises ou envisagées par la structure pour remédier à cette situation et en éviter la reproduction. 

L’arrêté du 28 décembre 2016 relatif à l'obligation de signalement des structures sociales et médico-sociales

Publié au JO du 31 décembre 2016 (https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2016/12/28/AFSA1611822A/jo/texte), un arrêté décline de manière pratique plus d’un an après la loi précitée. 

Il précise d’abord la nature des dysfonctionnements graves et des événements dont les autorités administratives doivent être informées. Sont visés :

1° Les sinistres et événements météorologiques exceptionnels (inondation, tempête, incendie, rupture de fourniture d'électricité, d'eau…) ;

2° Les accidents ou incidents liés à des défaillances d'équipement techniques de la structure et les événements en santé environnement (pannes prolongées d'électricité, de chauffage, d'ascenseur, épidémie, intoxication ; légionelles ; maladies infectieuses…) ;

3° Les perturbations dans l'organisation du travail et la gestion des ressources humaines (vacance de poste prolongée, notamment d'encadrement, difficulté de recrutement, absence imprévue de plusieurs personnels, turn over du personnel, grève…) mettant en difficulté l'effectivité de la prise en charge ou la sécurité des personnes accueillies;

4° Les accidents ou incidents liés à une erreur ou à un défaut de soin ou de surveillance (erreur dans la distribution de médicament, traitement inadapté, retard dans la prise en charge ou le traitement apporté…);

5° Les situations de perturbation de l'organisation ou du fonctionnement de la structure liées à des difficultés relationnelles récurrentes avec la famille ou les proches d'une personne prise en charge, ou du fait d'autres personnes extérieures à la structure (conflit important sur la prise en charge d'une personne, menaces répétées, demandes inadaptées, défiance à l'encontre du personnel, activités illicites…) ;

6° Les décès accidentels ou consécutifs à un défaut de surveillance ou de prise en charge d'une personne (par exemple : suite à une chute, un accident de contention…);

7° Les suicides et tentatives de suicide, au sein des structures, de personnes prises en charge ou de personnels ;

8° Les situations de maltraitance à l'égard de personnes accueillies ou prises en charge (violence physique, psychologique ou morale, agression sexuelle, négligence grave, privation de droit, vol, comportement d'emprise, isolement vis-à-vis des proches, défaut d'adaptation des équipements nécessaires aux personnes à mobilité réduite…);

9° Les disparitions de personnes accueillies en structure d'hébergement ou d'accueil, dès lors que les services de police ou de gendarmerie sont alertés (disparition entraînant la mobilisation des services de police ou de gendarmerie pour rechercher la personne)  ;

10° Les comportements violents de la part d'usagers, à l'égard d'autres usagers ou à l'égard de professionnels, au sein de la structure, ainsi que les manquements graves au règlement du lieu d'hébergement ou d'accueil qui compromettent la prise en charge de ces personnes ou celle d'autres usagers (agressivité, menaces, violence physique, agression sexuelle, non-respect des règles de vie en collectivité, pratiques ou comportements inadaptés ou délictueux…);

11° Les actes de malveillance au sein de la structure (détérioration volontaire de locaux, d'équipement ou de matériel, vol…).

L’arrêté précise ensuite le contenu de l'information aux autorités administratives. Doivent être communiqués :

1° Les coordonnées de la structure concernée et celles du déclarant ;

2° Les dates de survenue et de constatation du dysfonctionnement ou de l'événement ;

3° La nature des faits ;

4° Les circonstances dans lesquelles les faits se sont produits ;

5° Le nombre de personnes victimes ou exposées ;

6° Les conséquences du dysfonctionnement ou de l'événement constatées (pour les usagers : décès, hospitalisation, blessure, aggravation de l'état de santé, changement de comportement ou d'humeur ; Pour les professionnels : empêchement de venir sur le lieu de travail, arrêt maladie, réquisition ;  Pour l'organisation et le fonctionnement de la structure (par exemple : difficulté d'approvisionnement, difficulté d'accès à la structure ou sur le lieu de prise en charge de la personne, nécessité de déplacer des résidents, suspension d'activité…)

7° Les demandes d'intervention des secours ;

8° Les mesures immédiates prises par la structure ;

9° L'information apportée à la personne concernée par le dysfonctionnement ou l'événement qui est signalé aux familles, aux proches, et, le cas échéant, au représentant légal et à la personne de confiance des personnes concernées ;

10° Les dispositions prises ou envisagées par la structure pour remédier aux dysfonctionnements, perturbations ou comportements à l'origine du fait signalé, éviter leur reproduction et, le cas échéant, faire cesser le danger ;

11° Les suites administratives ou judiciaires ;

12° Les évolutions prévisibles ou difficultés attendues ;

13° Les répercussions médiatiques, le cas échéant.

Doivent également être transmises les mesures immédiates prises par la structure tant pour protéger les victimes, pour assurer la continuité de la prise en charge et (ou) informer les autres usagers et les familles. 

Elle devra faire connaitre les dispositions prises ou envisagées par la structure : 

-Concernant les usagers ou les résidents (adaptation des soins ou de la prise en charge, révision du projet de soins, soutien, transfert, fin de prise en charge…) 

-Concernant l'organisation du travail (par exemple : révision du planning, des procédures…)

-Concernant le personnel (formation, sensibilisation, soutien, mesure conservatoire, mesure disciplinaire…)

-Concernant la structure (aménagement ou réparation des locaux ou équipements, information ou communication interne et/ou externe, demande d'aide ou d'appui, notamment à l'autorité administrative, activation d'une cellule de crise, activation d'un plan…).

Logiquement la structure devra faire connaitre les suites administratives ou judiciaires (coordonnées des structures saisies et date), ce qui permettra aux autorités de tutelle de se substituer ou à se joindre aux démarches en cours. 

Enfin, curieusement l’établissement devra répondre à la question : cet événement peut-il avoir un impact médiatique ? Et faire savoir s’il envisage d’informer la presse. Les autorités administratives de contrôle souhaitant être informées le plus tôt possible, pour parer éventuellement à la médiatisation d’une « affaire » comme cela a pu être le cas à partir des années 90. 

Afin de simplifier la transmission de toutes ces informations un modèle de formulaire à destination des autorités administratives figure même en annexe de cet arrêté.

II La loi du 14 mars relative à la protection de l’enfant

L’article 4 de la loi du 14 mars 2016 prévoit que  «le président du conseil départemental informe sans délai le représentant de l'Etat dans le département de tout événement survenu dans un établissement ou service qu'il autorise, dès lors qu'il est de nature à compromettre la santé, la sécurité, l'intégrité ou le bien-être physique ou moral des enfants accueillis. ». Et ce afin de permettre au préfet de diligenter les contrôles et inspections nécessaires. Il pourrait même en aller de l’habilitation d’une structure « maltraitante ». Rappelons qu’au terme de l’article L313-10 du CAF  l'habilitation à recevoir des mineurs confiés habituellement par l'autorité judiciaire,  est délivrée par le représentant de l'Etat dans le département après avis du président du conseil départemental. 

Ces structures ont donc elles aussi le devoir de faire remonter tout évènement indésirable auprès de leur administration de contrôle, soit le conseil départemental pour que celui-ci puisse informer les services de l’État.  

Une circulaire d’application en cours d’élaboration sera publiée prochainement qui vise à définir précisément la démarche à suivre. 

III La PJJ et l’épineuse question des CEF

Depuis leur création les centres éducatifs fermés suscitent débats et polémiques. A la fois sur le cadre contraint de leur action mais aussi sur des pratiques « professionnelles » qu’on imaginait disparues. En 2014 un CEF associatif en Saone et Loire était fermé en urgence en raison de « sanctions non appropriées » sur les jeunes selon le ministère de la Justice. Des faits similaires ont été relevés dans des établissements du Rhône et de Haute-Vienne. Le 4 août 2015 une note interne de la PJJ au titre éloquent (« Alerte sur les risques ou situations de maltraitance en centre éducatif fermé ») pointait des pratiques illégales de fouille et de contention. Elle rappelait aux personnels les obligations de bientraitance et de respect de la convention des droits de l'enfant. Elle insistait enfin sur « la nécessité de remonter aux directions régionales de la PJJ tout dysfonctionnement dans la prise en charge des jeunes. »

Dans son prolongement une note plus complète du 24 décembre 2015 visait à définir les modalités relatives à la prévention et la gestion des situations de violence au sein des établissements et services de la protection judiciaire de la jeunesse.

Quelques questions ouvertes par ces textes

Au regard de ce tour d’horizon récent donnons acte de la volonté politique de ne laisser sous silence aucune maltraitance au sein des services et établissements médicosociaux. Pour autant signaler les faits et les poursuivre ne peuvent servir à, elle seule, de politique publique. Surtout dans le contexte de tensions budgétaires que subissent les structures. Comment bien- traiter à effectif de plus en plus réduit ? Ou sans moyens matériels ? A l’occasion de récents stages en EHPAD nous a été signalé plusieurs fois le rationnement du nombre de couches par personnes âgées et par jour. Dysfonctionnement grave devant être signalé ? 

Quand des établissements d’accueil de personnes âgées ou handicapées systématisent la contention pour pallier au manque de personnel, n’est-ce pas une maltraitance devant être dénoncée ? 

Quand un mandataire judiciaire à la protection des majeurs (tuteur) s’est vu confié jusqu’à une cinquantaine de dossiers comment peut-il rendre visite au majeur protégé et répondre à ses demandes dans des délais courts ? Doit-on le signaler au juge qui lui a lui-même confié autant de dossiers ?

Quand les CEF peinent à recruter et doivent se rabattre sur des professionnels peu ou pas diplômés, peu ou pas formés, qui auront malheureusement à gérer des jeunes ayant parfois épuisé toutes les autres structures, à qui le signaler ?  

La gestion des risques a posteriori impulsée dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux et la transmission de tout évènement indésirable ayant des conséquences possibles sur le bien-être des personnes accueillies et/ou accompagnées ne compensent pas le manque de moyens. 

La formule selon laquelle il faut être bien-traité pour être bien-traitant est souvent juste. Penser les dysfonctionnements institutionnels produisant des organisations de travail maltraitantes uniquement sous l’angle de la sanction et de la coercition relève d’une hypocrisie politique qui refuse de se pencher sur le travail réel des professionnels exerçant dans ses établissements. Dans ce cadre, de nouvelles normes et recommandations peuvent être produites en hauts-lieux sans effets. 

En cas de signalement, il serait beaucoup plus intéressant de comprendre les organisations de travail et les tensions à l’œuvre entre travail prescrit et travail réel ainsi que la manière dont les professionnels oeuvrent au quotidien pour concilier les directives institutionnelles et le bien-être de l’usager.       

Le signalement ne peut constituer à lui seul une politique publique. C’est certes une première étape mais ne doit pas rester la dernière. 

Christophe DAADOUCH

Avec les apports de Véronique LOGEAIS et d'Antoine GUILLET